Fonds Marianne : après la publication d’un sévère rapport, le préfet Christian Gravel démissionne
Le préfet Christian Gravel, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, à l’Elysée à Paris, le 16 février 2023. LUDOVIC MARIN / AFP
L’affaire du fonds Marianne connaît sa première conséquence concrète : dans un communiqué publié mardi 6 juin au soir, le ministère de l’intérieur annonce avoir accepté la démission du préfet Christian Gravel, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).
Ce départ est annoncé parallèlement à la publication d’un rapport sévère de l’inspection générale de l’administration (IGA) sur les conditions d’attribution de cette manne de 2,5 millions d’euros, annoncée par Marlène Schiappa en réponse à l’assassinat terroriste, en octobre 2020, du professeur Samuel Paty. Le magazine Marianne et France Télévisions avaient révélé fin mars que deux associations aux pratiques douteuses avaient capté les plus importants montants de subventions, et soulevé de forts soupçons de collusion entre leurs responsables et les pilotes du fonds Marianne, Mme Schiappa, alors ministre déléguée à la citoyenneté, et M. Gravel.
Le rapport de l’IGA se concentre sur une seule des associations subventionnées par le fonds Marianne, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), bénéficiaire de 355 000 euros de subvention. L’association était alors emmenée par l’essayiste Mohamed Sifaoui, très en cour auprès de Marlène Schiappa comme du CIPDR, au sein duquel il dispensait des formations, selon les informations du Monde.
Appel à projets « biaisé »
Selon le récit du préfet Gravel devant la commission d’enquête sénatoriale consacrée à cette affaire, qui l’a auditionné le 16 mai, M. Sifaoui l’aurait directement appelé au sortir d’une réunion avec la ministre pour l’informer de son intérêt à postuler au fonds Marianne. En réalité, explique l’IGA, M. Sifaoui – dont les rapporteurs dénoncent le peu de coopération lors de leur enquête – devait déjà bénéficier d’une subvention du CIPDR, qui a été ensuite redirigée vers le fonds lors de la réunion sur l’attribution de ce dernier, qui s’est tenue en comité réduit, le 21 mai. Y assistaient M. Gravel, son adjoint, le directeur de cabinet de Mme Schiappa, Sébastien Jallet et deux autres personnes.
Le projet de « contre-discours républicain » de M. Sifaoui, iLaïc, était déjà classé comme « ne soulevant aucune difficulté » et faisait partie de la vingtaine de dossiers présélectionnés. Ce choix d’inclure des projets déjà subventionnés, mais « réattribués » au fonds Marianne constitue, aux yeux des inspecteurs, le signe d’un appel à projets « biaisé ».
Autre irrégularité notée par le rapport, le projet iLaïc, qui avait sollicité au départ 635 000 euros d’aide, avant de présenter un nouveau dossier moins ambitieux – au grand dam de « l’un des porteurs de projet » qui se serait, selon le rapport « énervé » lors d’une réunion à ce sujet – ne présentait aucun autre financeur que le CIPDR, alors que c’est pourtant la règle pour ce type de subvention.
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Source: Le Monde