Retraites: Braun-Pivet bloque l'examen des 64 ans, l'opposition vent debout
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet en séance, le 6 juin 2023 à Paris ( AFP / bERTRAND GUAY )
Au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation en nette baisse, la présidente de l'Assemblée a sifflé la fin du match parlementaire contre la réforme des retraites, en faisant barrage à l'examen d'une mesure d'abrogation des 64 ans, programmé jeudi dans l'hémicycle.
Yaël Braun-Pivet a brandi le couperet de l'article 40 de la Constitution, qui proscrit toute proposition de loi ou amendement créant une charge pour les finances publiques. Et déclenché la fureur des oppositions face à une "attaque inédite des droits du Parlement".
"J'applique la règle, rien que la règle", a justifié la titulaire du perchoir mercredi, qui a déclaré "irrecevables" des amendements rétablissant l'âge de la retraite à 62 ans, qui devaient être examinés jeudi en séance plénière.
La proposition de loi, soutenue par la plupart des oppositions, pourra quand même être examinée, mais vidée, donc, de sa mesure-phare.
Article 49.3, article 40: depuis le début des débats sur les retraites à l'Assemblée en février, il n'y aura donc jamais eu de vote spécifique dans l'hémicycle sur la mesure de report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans.
- "terre brûlée" -
Le texte porté par les députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) a entretenu la flamme des opposants à la réforme promulguée mi-avril, même si la participation, mardi, à la 14e journée de mobilisation a été la plus faible enregistrée en cinq mois de manifestations.
Les oppositions ont d'autant plus vivement protesté contre la décision de Yaël Braun-Pivet, Liot dénonçant une décision "sous la pression de l'exécutif", démentie par l'intéressée.
"Votre politique de la terre brûlée va nous entraîner, et vous avec, dans le pire. Demain un pouvoir encore plus autoritaire que le vôtre pourra s'appuyer sur la prétendue légitimité de vos décisions", a tonné mercredi dans l'hémicycle André Chassaigne (PCF).
Benjamin Lucas (écologiste) a lui dénoncé "un coup d'Etat institutionnel contre l'Assemblée nationale".
"La présidente de l'Assemblée nationale piétine la Constitution qui garantit au Parlement le droit de voter les lois", a tancé Marine Le Pen.
Yaël Braun-Pivet avait plusieurs fois qualifié d'"inconstitutionnelle" l'abrogation des 64 ans, Élisabeth Borne critiquant une proposition "démagogique".
La mesure Liot avait été retoquée la semaine dernière en commission, lors d'un vote serré (38 voix contre 34), mais les oppositions comptaient pouvoir rejouer ce match jeudi dans l'hémicycle, en déposant des "amendements de rétablissement".
C'est à ces derniers qu'a fait obstacle la présidente de l'Assemblée. L'abrogation des 64 ans aurait un coût de "plus de 15 milliards d'euros au bas mot", a martelé ces derniers jours le camp présidentiel. Où de nombreuses voix ont reproché en coulisses à Yaël Braun-Pivet, issue du groupe macroniste Renaissance, de ne pas avoir invoqué plus tôt l'"irrecevabilité financière".
- Motion de censure -
Même adoptée par l'Assemblée, la proposition n'aurait eu que de faibles chances d'aboutir au plan législatif, n'ont cessé de faire valoir les macronistes. Tout en s'inquiétant du signal politique qu'aurait envoyé une victoire des oppositions.
Charles de Courson, membre du groupe indépendant Liot, le 20 mars 2023 à l'Assemblée nationale, à Paris ( AFP / BERTRAND GUAY )
Le groupe Liot et la gauche avaient échafaudé des plans de repli, avec des amendements proposant, par exemple, d'établir "un objectif d'abrogation" des 64 ans à l'horizon 2024. Avec l'espoir qu'ils passeraient le filtre de l'article 40.
Mais ils ont aussi été quasiment tous retoqués, selon la liste des irrecevabilités publiée mercredi soir par l'Assemblée. Sauf un amendement des socialistes demandant un rapport d'évaluation sur le recul de l'âge légal. "Les députés qui voteront pour cet amendement exprimeront leur rejet de la réforme", a estimé le groupe PS.
Le dépôt d'une nouvelle motion de censure contre le gouvernement a en outre été annoncé par la cheffe des députés LFI Mathilde Panot. "Il est inacceptable que l'on puisse faire un tel coup de force sans qu'il y ait une réaction derrière", a-t-elle justifié.
Mais elle n'a pas donné de date pour cette initiative, qui doit encore être discutée entre les partenaires de la Nupes. Certains sont réticents, tout comme le groupe Liot, dont une motion avait échoué de justesse en mars.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, une large majorité de Français (71%) souhaitait que la proposition d'abrogation de la retraite à 64 ans fût débattue et votée jeudi à l'Assemblée, et 64% d'entre eux qu'elle fût adoptée.
Source: Boursorama