Médias : " CNN, le déclin d’une icône américaine "

June 08, 2023
383 views

Devant les locaux de CNN à Atlanta (Géorgie), en 2022. RON HARRIS / AP

Qui ne se souvient pas des images d’explosions dans la nuit de Bagdad en 2003, de la désintégration en direct de la navette Challenger en 1986, de l’effondrement des tours du World Trade Center en 2001 ? Elles resteront associées à l’essor de CNN, la chaîne qui a révolutionné l’information télévisée en inventant l’info en continu, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Créée en 1980 par Ted Turner, elle a symbolisé un nouveau journalisme d’image et l’hégémonie américaine dans ce domaine. Aujourd’hui, le joyau de l’audiovisuel américain est devenu un boulet. Mercredi 7 juin, la chaîne a annoncé le départ de son patron, Chris Licht, resté seulement treize mois à la tête de l’entreprise.

Il part dans un climat délétère, détesté par les journalistes et boudé par les téléspectateurs. Désireux de recentrer politiquement la chaîne et de réaliser un coup médiatique, il a donné une exposition exceptionnelle à son pire ennemi, Donald Trump, en l’invitant à un débat le 10 mai. Durant une heure et devant une assistance de fans, ce dernier a accumulé les contre-vérités et insulté l’animatrice du débat, Kaitlan Collins. Un épisode qui n’a provoqué aucun sursaut d’audience et qui a ulcéré tous les journalistes de la chaîne. David Zaslav, le patron de Warner Discovery, la maison mère de CNN, s’est résigné à faire sortir l’homme qu’il avait appelé en mai 2022.

Problèmes stratégiques

Pour lui, CNN, c’est désormais 5 % des revenus de son groupe, né de l’acquisition en avril 2022 de Warner Media par Discovery, et 80 % de ses problèmes. Car les démêlés de Chris Licht avec son entreprise ne sont que le signe extérieur d’une dégradation plus profonde. Quand, portée par la campagne présidentielle de 2020, la chaîne enregistrait une moyenne de 1,7 million de spectateurs lors de ses prime time, elle n’en a affiché que 687 000 en 2022 contre 2,2 millions pour sa rivale Fox News, et 1,1 million pour CNBC (chiffres Nielsen). Au premier trimestre de cette année l’audience a encore faibli.

La chaîne a deux problèmes stratégiques. D’une part, elle cherche un positionnement politique. Après avoir été accusée de gauchisme par les supporteurs de Donald Trump, elle a tenté sous la pression de ses actionnaires de se recentrer. Mais y a-t-il encore suffisamment de téléspectateurs qui en veulent ? L’ancrage démocrate de CNBC assure son succès, comme celui républicain de Fox News.

D’autre part, elle subit la désaffection des chaînes payantes du câble par une audience qui se tourne massivement vers la télévision en ligne du type Netflix. Le créneau de l’information, comme celui du sport n’a pas encore basculé, mais cela devrait arriver. De quoi saper le moral d’une équipe rédactionnelle ballottée par les changements d’équipe. L’époque des directs enflammés et des flamboyants reportages semble désormais bien loin.

Source: Le Monde