Chère Lisette : " Ma cousine veut me faire entrer de force dans un modèle qui n’est pas le mien ! "
CAROLINE NASICA
► Chère Lisette,
« Aujourd’hui j’ai reçu un courrier de ma cousine Apolline, qui m’invite à son mariage. Sur l’enveloppe, au-dessus de l’adresse, il est écrit “Monsieur et Madame Alexandre A.” Je ne suis pas mariée, malgré tout l’amour que je porte à mon partenaire de pacs, et mes deux enfants portent mon patronyme. Passe encore que mon père de 73 ans parle de son “gendre” parce que c’est plus simple. Ma cousine de 27 ans va plus loin dans la comédie. Sur cette enveloppe, elle efface à la fois mon statut de femme libre, mon prénom et mon nom. Je l’ai pris comme une claque !
Je suis tombée dans le piège du mariage il y a quinze ans (le seul vrai regret de ma vie, avec celui d’avoir adopté un chien traumatisé à la SPA). Divorcée au bout d’un an, il m’en a fallu trois autres pour retrouver mon nom sur ma carte vitale et les courriers des impôts. Malgré mes multiples demandes de modification, l’administration s’est acharnée longtemps à me donner le nom de mon ex.
Aujourd’hui, je me suis sentie écrasée une nouvelle fois par le poids des traditions et de l’hypocrisie. Dans ma famille, pourtant, ma situation est bien plus simple que celle de ma sœur. Je coche les cases divorce et concubinage. Ma sœur coche celle d’artiste lesbienne. En couple depuis trois ans, elle est la seule dont la compagne n’a pas été invitée au mariage de ma cousine. Pourquoi s’en plaindre ? Sur son enveloppe, c’est bien son nom à elle qu’elle a pu lire. Faut-il que j’appelle ma cousine pour lui faire mes remarques, quitte à jeter un froid dans la famille ? Cela a-t-il un sens que ma sœur et moi allions à ce mariage ? »
Marie-Charlotte
► Chère Marie-Charlotte,
Je me suis obligée à respirer par le nez pendant quelques minutes – ce qui n’est pas la moindre des preuves d’abnégation, car je souffre de rhinite chronique – avant de vous répondre, tellement le contenu de votre lettre m’a énervée.
J’ai songé, ensuite, à vous faire la liste de tout ce qui n’allait pas dans le comportement de votre cousine. Le nom de votre conjoint à la place du vôtre, signe d’une vision surannée du mariage comme fusion irréversible de deux individualités. Certaines choisissent de prendre le nom d’un homme, c’est pour elles une preuve d’amour, et c’est tant mieux. Mais pourquoi vouloir forcer cette idée auprès de toutes les autres ?
J’ai pensé vous dire tout le mépris que j’ai pour ceux qui veulent imposer une vision monolithique de la famille. Je me suis dit que votre sœur devait être très en colère. Qu’il nous soit permis de lui redire une évidence : bien sûr que son couple est valable, bien sûr que sa compagne mérite de venir au mariage, et de danser toute la nuit.
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Source: Le Monde