Un " principe d’impartialité " des magistrats syndiqués voté au Sénat

June 08, 2023
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Contre l’avis du gouvernement, le Sénat, où la droite est majoritaire, a inscrit jeudi 8 juin dans le projet de réforme du statut des magistrats un « principe d’impartialité » pour ceux qui sont syndiqués, ce que la gauche considère comme une atteinte au droit syndical.

Les sénateurs ont achevé l’examen en première lecture du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice et du projet de loi organique réformant le statut des magistrats. Ils se prononceront lors de votes solennels mardi 13 juin sur ces deux textes, qui iront ensuite à l’Assemblée nationale.

Le premier entérine une « hausse inédite » du budget de la justice, qui atteindra près de 11 milliards d’euros en 2027, et l’embauche de 10 000 personnes, dont 1 500 magistrats. Le second ouvre l’accès à la magistrature à de nouveaux profils, favorise la mobilité, modernise l’évolution de carrière et réforme le dialogue social. Il renforce par ailleurs la responsabilité des magistrats, en particulier en facilitant la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le justiciable.

Le centriste Philippe Bonnecarrère a fait adopter un amendement qui précise que la liberté syndicale des magistrats s’exerce « dans le respect du principe d’impartialité qui s’impose aux membres du corps judiciaire ». M. Bonnecarrère a assuré ne remettre en cause « ni de près ni de loin » l’action syndicale, mais la gauche a réagi vivement.

Charte de déontologie

« On ouvre des brèches assez béantes pour neutraliser en quelque sorte l’activité syndicale. Aujourd’hui les magistrats, et demain qui ? L’activité syndicale est un droit fondamental, donc respectons ce droit fondamental », a lancé Eliane Assassi, présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE).

La majorité sénatoriale cherche « à bâillonner l’expression syndicale », a réagi sur Twitter le Syndicat de la magistrature, classé à gauche. Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a rappelé avoir saisi pour avis le CSM sur ce sujet « difficile » de la liberté d’expression des magistrats et a jugé « prématuré de toucher au statut des magistrats sur ce point » avant d’avoir eu cet avis.

« L’impartialité d’un magistrat » ne peut être mise en cause « au seul motif » de son appartenance à un syndicat, avait rappelé début mai le CSM, après les critiques d’un député au sujet d’une décision de justice à Mayotte. Dans cette rare mise au point, le CSM avait rappelé que « la liberté syndicale est reconnue aux magistrats ».

Le Sénat a par ailleurs adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement du chef de file des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, pour créer « une charte de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire », au lieu du « recueil des obligations déontologiques des magistrats » qui existe actuellement. La socialiste Marie-Pierre de La Gontrie y a vu « une charge supplémentaire contre la liberté d’expression, la liberté syndicale ».

« L’expression syndicale doit être garantie dans notre pays et je crois qu’elle l’est », a réagi le ministre.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde