Ce que l’on sait de l’attaque au couteau à Annecy, qui a fait six blessés dont quatre enfants

June 09, 2023
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A Annecy sur les lieux de l’attaque au couteau, le 8 juin 2023. JEAN-CHRISTOPHE BOTT / AP

Un homme armé d’un couteau a semé la terreur jeudi 8 juin au matin dans un parc des bords du lac d’Annecy, blessant grièvement plusieurs enfants, avant d’être interpellé. Cinq personnes, dont quatre mineurs âgés de 22 mois à 3 ans, étaient toujours, jeudi soir, en état d’urgence absolue. Parmi les victimes, deux sont toujours « en urgence vitale » vendredi, selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran qui s’est exprimé sur Franceinfo. Le Monde fait le point sur ce que l’on sait.

• Une attaque dans une aire de jeux

Selon la préfecture de Haute-Savoie, les faits se sont déroulés peu après 9 h 30 dans les jardins de l’Europe, qui font partie du Pâquier, un parc situé au bord du lac d’Annecy, à quelques dizaines de mètres de l’hôtel de ville. On y trouve plusieurs aires de jeux et une école.

Selon des témoins, l’assaillant, vêtu d’un short noir, un foulard noué sur la tête, s’est attaqué à des enfants dans une aire de jeux. Evoquant l’assaillant, un témoin a déclaré à BFM-TV : « Il a sauté [dans l’aire], il a commencé à crier et directement il s’est dirigé vers les poussettes et a donné des coups de couteau à répétition sur les petits. » Un homme tente alors de le mettre en fuite en le frappant à coups de sac à dos. L’agresseur quitte l’aire de jeux. Il brandit son couteau de la main droite, et semble vouloir montrer de l’autre main aux témoins, en tournant sur lui-même, le pendentif attaché à son cou, un crucifix. Sur les vidéos filmées par des passants, on devine à peine ses propos. Il semble répéter, deux fois : « In the name of Jesus Christ » (Au nom de Jésus-Christ). Puis l’assaillant revient sur ses pas en trottinant, et pénètre de nouveau dans le jardin d’enfants, poursuivi par l’homme au sac à dos. Il blesse à nouveau deux enfants dans un landeau, malgré les efforts désespérés d’une femme qui tentait de les protéger.

Selon différents témoignages, l’homme a ensuite tenté de s’enfuir de l’aire de jeux et a attaqué un homme de 78 ans qui tentait de protéger son épouse. Les policiers ouvrent le feu, blessent malencontreusement le vieil homme, puis parviennent à immobiliser l’assaillant à quelques mètres du lac. Les secours ont été alertés à 9 h 41, l’intervention déclenchée immédiatement et l’agresseur interpellé quatre minutes plus tard, selon un chronométrage diffusé par la police.

Le jeune homme au sac à dos a été identifié par des internautes : il s’appelle Henri, un pèlerin de 24 ans qui faisait le tour des plus belles cathédrales de France depuis deux mois et demi et se décrit sur ses réseaux sociaux comme « philosophe et explorateur ».

La première ministre, Elisabeth Borne, s’est exprimée lors d’une conférence de presse jeudi en début d’après-midi aux côtés de Line Bonnet-Mathis, procureure de la République d’Annecy, et de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Vendredi, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, doit se rendre auprès des victimes et « de l’ensemble des personnes qui à Annecy ont contribué à leur apporter aide et soutien ».

• Six blessés, dont quatre enfants

Au moins six personnes, dont quatre enfants âgés de 22 mois à 3 ans – deux Français, un Néerlandais et un Anglais –, ont été blessées. Deux mineurs sont toujours « en urgence vitale » vendredi, selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Un homme de 78 ans a également été légèrement touché par la police qui tentait d’arrêter l’assaillant. La préfecture a ouvert une cellule d’information, joignable

au 04-50-33-61-33.

• Le suspect : un Syrien qui avait le statut de réfugié en Suède

L’auteur présumé est un homme né en 1991 de nationalité syrienne, Abdelmasih H., qui a vécu pendant dix ans en Suède, où il a obtenu le statut de réfugié en 2013.

Il a été marié et a un enfant de 3 ans avec une femme de nationalité suédoise, dont il a divorcé l’an dernier. Selon l’Office suédois des migrations, il avait demandé la nationalité une première fois quatre ans après son arrivée, mais trop tôt, le délai minimal de présence étant de cinq années. Il avait fait une deuxième demande en 2018, refusée aussi sans qu’on en sache la cause. Selon son ex-femme, il a quitté la Suède avant de recevoir la réponse à sa dernière demande, « il y a huit mois ». Du point de vue du droit de l’Union européenne (UE), l’homme était en situation régulière.

L’agresseur présumé, « un réfugié politique qui serait sans domicile fixe, arrivé à Annecy à l’automne 2022 » n’était « ni sous l’emprise de stupéfiants ni sous l’emprise d’alcool », a déclaré la procureure de la République d’Annecy, Line Bonnet-Mathis, devant la presse. « Pour des raisons qu’on n’explique pas bien, il a également fait des demandes d’asile en Suisse, en Italie et en France », a rapporté le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sur TF1.

Il a introduit le 28 novembre 2022 une demande d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), dont le refus lui a été notifié dimanche 4 juin car il avait obtenu le statut de réfugié en Suède.

Ce même dimanche, le suspect a été contrôlé par la police car « il se serait lavé dans le lac d’Annecy », a ajouté M. Darmanin. « Une main courante a été faite et il n’y avait rien à lui reprocher particulièrement », a-t-il ajouté. Interrogé sur le lien entre le refus de la demande d’asile et le passage à l’acte de l’agresseur quatre jours plus tard, le ministre a évoqué une « coïncidence troublante ».

Dans sa demande à l’Ofpra, il se présentait comme un « chrétien de Syrie », selon une source policière. Son nom ne figurait en outre dans aucun fichier de police, il n’était connu d’« aucun service de renseignement » et n’a pas d’« antécédent psychiatrique identifié », selon la première ministre, Elisabeth Borne.

Jeudi en début de soirée, l’assaillant présumé se trouvait en garde à vue au commissariat d’Annecy. Il ne présentait aucune blessure grave, selon la procureure. Selon une source policière au Monde, les enquêteurs n’étaient pas parvenus à établir un contact avec lui jeudi soir : très agité, l’homme « hurlait » en se roulant au sol et en criant « kill me ! » (tuez-moi). Une expertise psychiatrique est prévue vendredi.

• « Aucun mobile terroriste apparent »

L’assaillant portait « une seule arme, qui est en notre possession », a ajouté la procureure. L’individu « n’est pas blessé et il va être entendu sur ses motivations, qui restent aujourd’hui à déterminer », a-t-elle poursuivi. La procureure de Haute-Savoie a annoncé son placement en garde à vue dans les locaux du commissariat de police d’Annecy pour tentative d’assassinat.

Abdelmasih H. portait une croix chrétienne et a dit en anglais la phrase « Au nom de Jésus-Christ » au moment de l’attaque. Ni la procureure ni la première ministre n’ont, lors de leur point presse, évoqué ces déclarations ni fait de commentaire à ce sujet.

A ce stade, il n’y a « aucun mobile terroriste apparent », a précisé la procureure. Une « évaluation » est en cours, « comme c’est l’usage », a-t-elle poursuivi. « En l’état, on n’a pas d’éléments qui pourraient nous laisser entendre que les motivations sont terroristes », a-t-elle insisté. Le dossier est néanmoins, comme c’est l’usage, toujours en « évaluation » au Parquet national antiterroriste.

• Une « attaque d’une lâcheté absolue », selon Emmanuel Macron

L’attaque a semé l’effroi dans cette ville d’eau habituellement très calme. « Ce qui s’est passé est inacceptable, effroyable. Ce n’est jamais arrivé sur Annecy », a déclaré le maire écologiste, François d’Astorg, en faisant part de sa « colère » au cours d’un point de presse.

Emmanuel Macron a dénoncé une « attaque d’une lâcheté absolue ». « Des enfants et un adulte sont entre la vie et la mort. La nation est sous le choc. Nos pensées les accompagnent ainsi que leurs familles et les secours mobilisés », a écrit le chef de l’Etat sur Twitter.

Ce drame a provoqué une vive émotion à l’Assemblée nationale, où une minute de silence a été observée à la demande de la présidente Yaël Braun-Pivet, « pour eux, pour leurs familles », après cette « attaque gravissime ». S’exprimant au nom du gouvernement, le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, a dénoncé depuis le Palais-Bourbon « une barbarie ».

Laurent Wauquiez (Les Républicains), président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, où les faits se sont déroulés, a dénoncé de son côté « l’horreur, encore ». « Cette attaque sur des enfants est le sommet de l’abomination », a-t-il ajouté, remerciant les « policiers pour le courage dont ils ont fait preuve en interpellant l’assaillant ». « Comment est-ce possible ? Attaquer des petits ! Les frapper avec un couteau ! Notre cœur est en miettes à devoir le vivre », a réagi l’ancien candidat « insoumis » à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. « L’horreur. Emotion et colère », a écrit le patron des députés socialistes, Boris Vallaud, toujours sur Twitter. « Effroi et horreur », a réagi de son côté Marine Le Pen.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde