Au Soudan, la capitale Khartoum et le Darfour en proie au chaos des violences, en dépit de la trêve
Les combats meurtriers opposant des paramilitaires à l’armée sont entrés, jeudi 27 avril, dans leur treizième jour au Soudan où la capitale, Khartoum, et la région du Darfour sont désormais en proie au chaos des bombes malgré un cessez-le-feu.
Des avions militaires survolent la banlieue nord de Khartoum où les troupes des deux généraux en guerre pour le pouvoir échangent des tirs à la mitrailleuse et à l’arme lourde, rapportent des témoins à l’Agence France-Presse (AFP), en dépit de la trêve de soixante-douze heures conclue sous l’égide des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, qui a débuté mardi. Les violences ont fait au moins huit morts pour la seule journée de mercredi, selon le syndicat des médecins.
Les nombreuses tentatives de faire taire les armes ont échoué depuis que le conflit a débuté, le 15 avril, entre l’armée du général Abdel Fattah Al-Bourhane, et les très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti ».
Mercredi soir, l’armée a annoncé avoir accepté d’envoyer un représentant à Juba, la capitale du Soudan du Sud voisin, pour des pourparlers avec les FSR, « à l’initiative de l’IGAD », bloc régional d’Afrique de l’Est. Le général Bourhane a dit accepter de discuter d’une prolongation de la trêve qui a été globalement peu respectée et doit s’achever jeudi à minuit. Les paramilitaires n’ont, de leur côté, pas commenté cette initiative régionale.
Selon le ministère de la santé soudanais, au moins 512 personnes ont été tuées et 4 193 blessées depuis le début du conflit, mais le bilan est vraisemblablement beaucoup plus élevé. La situation à Khartoum est « extrêmement mauvaise », raconte à l’AFP Chaaban, un ressortissant syrien qui attend son évacuation depuis Port-Soudan : « On veut juste aller en toute sécurité à Jeddah [en Arabie saoudite] ou en Syrie. On veut juste quitter le Soudan. »
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« Votre guerre, pas la nôtre »
Au-delà de la capitale, les violences déchirent depuis le début du conflit d’autres régions, notamment le Darfour occidental. Pillages, meurtres et incendies de maisons ont lieu à El-Geneina, chef-lieu de cette région frontalière du Tchad et théâtre dans les années 2000 d’une guerre particulièrement sanglante. Quelque 50 000 enfants « souffrant de malnutrition aiguë » y sont privés d’aide alimentaire, alertent les Nations unies, qui ont dû interrompre leurs activités après la mort de cinq humanitaires.
Les combats ont provoqué un exode massif dans ce pays de quarante-cinq millions d’habitants, l’un des plus pauvres au monde. En route vers la frontière avec l’Egypte voisine, Achraf, un Soudanais fuyant Khartoum, appelle les deux généraux à « cesser la guerre ». « C’est votre guerre, pas celle du peuple soudanais », dit cet homme de 50 ans, rencontré par l’AFP dans le désert.
Ceux restés au Soudan doivent composer avec les pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité ainsi que les coupures d’Internet et des lignes téléphoniques. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées dans les pays frontaliers, notamment en Egypte au nord et en Ethiopie à l’est, selon l’ONU. Et, quelque 270 000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud.
« Partez maintenant »
Ces derniers jours, plusieurs pays ont organisé des évacuations. Mercredi, la marine française a encore évacué près de quatre cents personnes de différentes nationalités, alors que la Chine a dépêché des navires pour venir en aide à ses ressortissants et a déjà secouru mille trois cents de ses ressortissants et des citoyens de cinq autres pays, a annoncé jeudi le ministère des affaires étrangères chinois.
Ce pays d’Afrique du Nord-Est est en plein chaos depuis la mi-avril, en raison de combats pour le pouvoir entre armée et paramilitaires. Combats qui ont déjà fait des centaines de morts et provoqué de graves pénuries d’eau, de nourriture, de médicaments et de carburant. De nombreux pays cherchent à évacuer leurs ressortissants par les voies maritime, aérienne ou terrestre. Ces opérations se sont intensifiées cette semaine, un cessez-le-feu de soixante-douze heures étant entré en vigueur mardi. Londres a, de son côté, appelé ses concitoyens à « partir maintenant », avant la fin du cessez-le-feu, relativement respecté dans les couloirs d’évacuation.
Jusqu’ici, quatorze hôpitaux ont été bombardés, selon le syndicat des médecins, et dix-neuf autres ont été abandonnés de force à cause de tirs, de manque de matériel et de personnel ou parce que des combattants y avaient pris leurs quartiers. Dans le chaos général, des centaines de détenus se sont évadés de trois prisons, en particulier l’établissement de haute sécurité de Kober, qui accueillait le premier cercle de l’ancien dictateur Omar Al-Bachir, poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » au Darfour.
Détenu dans un hôpital militaire en raison de son état de santé, selon l’armée, l’ex-président Bachir, âgé de 79 ans, a été limogé par l’armée en avril 2019 sous la pression d’un grand soulèvement populaire. Douchant les espoirs d’une transition démocratique, les deux généraux avaient évincé ensemble les civils du pouvoir en 2021, avant d’entrer en guerre, ne parvenant pas à s’accorder sur l’intégration des paramilitaires à l’armée.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde