Incendies au Canada : "Le nombre de grands feux va augmenter", avertit une spécialiste

June 09, 2023
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Le Canada est durement frappé par des incendies historiques. Trois provinces ont été particulièrement touchées : l'Alberta, la Nouvelle-Ecosse et le Québec.

Le Canada est confronté depuis des semaines à des centaines de feux actifs répartis sur tout le territoire, et notamment au Québec où la situation "est apocalyptique". Une situation qui est aggravée par la chaleur et la sécheresse. La fumée de ces incendies a même les États-Unis. Une pollution qui a pris la forme d'un brouillard submergeant plusieurs grandes villes de la cote est.

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Invitée de franceinfo vendredi 9 juin, Christelle Hély, directrice d'études à l'École pratiques des hautes études et spécialiste de l'interaction entre le climat et les incendies, explique que selon les modélisations, dans le futur "on est capable de quantifier que les surfaces vont augmenter et que le nombre de grands feux va augmenter", en partie à cause du réchauffement climatique.

franceinfo : Comment expliquer qu'il y ait autant d'incendies qui se déclarent en ce moment dans cette région du monde ?

Christelle Hély : L'hiver au Canada a été particulièrement peu neigeux alors que le pays est normalement habitué à plusieurs mètres de neige pendant plusieurs mois. Quand cette neige a fondu au printemps - sachant qu'avec les températures qui augmentent, la fonte est plus précoce - elle a produit relativement peu d'eau. Les sols sont donc peu chargés en humidité et ils se dessèchent très vite.

"En plus, les conditions atmosphériques ont dû jouer. Il y a une masse d'air très sèche, polaire, qui s'est un peu bloquée, et dessous, tout sèche. Quand elle rebouge, elle est souvent repoussée par de l'air chaud et humide, ça crée des orages, il y a donc plein d'impacts de foudre sur un combustible très sec et très efficace." Christelle Hély, directrice d'études à l'École pratiques des hautes études à franceinfo

Ce sont des incendies qui sont liés aux conséquences du dérèglement climatique ?

En partie, oui. Les modélisateurs du climat et les personnes qui sont, par exemple, au ministère des Ressources naturelles du Canada et qui font des simulations, disent que déjà, dans le futur, on est capable de quantifier que les surfaces vont augmenter et que le nombre de grands feux va augmenter.

Mais comme l'atmosphère [est plus chaud] du fait du réchauffement, la dynamique est plus rapide. On peut avoir des événements plus fréquents. C'est pour ça qu'on peut associer ce genre d'événement au changement climatique. Mais ces systèmes de blocage, de reprise et d'arrivée d'orages existent quand même naturellement dans le système climatique.

Que peuvent faire les pompiers canadiens face à des incendies aussi nombreux et sur une surface aussi étendue ?

Je dirais qu'ils font ce qu'ils peuvent. Ils vont, un peu comme ici en France, essayer déjà de contenir les flancs, c'est-à-dire les côtés des feux, pour essayer de les canaliser quand ils sont trop violents. On ne peut pas agir sur le front de flammes, sur la tête du feu. Donc ce que font les pompiers au Québec, par exemple, c'est qu'ils vont d'abord essayer de protéger les villages et les communautés et les évacuer si nécessaire.

Donc, on peut légèrement peut-être dévier la route des incendies, mais on ne peut clairement pas les arrêter frontalement?

Oui, et encore les dévier… Disons qu'on essaie de les canaliser un petit peu.

La seule façon d'arrêter ces feux, ce serait quoi ? De fortes pluies ?

Ce serait ça, oui. Il y a aussi de très grands lacs au Canada. Donc, si un feu rencontre une zone sans combustible, assez vaste, il y a peut-être des chances que ça en arrête une partie. Et puis on peut avoir aussi des changements de direction des vents, le feu pourrait donc repartir vers quelque chose qui a déjà brûlé. Et là, ce serait assez efficace pour l'arrêter. Sachant qu'ici, en France, par exemple, quand il y a un incendie, les pompiers utilisent parfois ce qu'on appelle les feux tactiques, c'est-à-dire qu'ils vont faire des brûlages en amont du front de flammes, devant le feu, mais assez loin. Et à ce moment-là, quand le feu normal arrive, il arrive sur une zone où il y a peu de combustible.

Source: franceinfo