Everest : Il y a " de plus en plus de monde de moins en moins expérimenté " sur ce sommet " qui fait fantasmer "

June 09, 2023
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C’est le sommet le plus emblématique de tous. L’Everest qui culmine à près de 8.850 mètres fait rêver de plus en plus de monde. Des aventuriers pas toujours assez expérimentés. C’est l’une des raisons pour lesquelles la saison 2023 a été l’une des plus meurtrières jamais enregistrée. En moyenne, chaque année, cinq alpinistes trouvent la mort sur les flancs escarpés et glacés de la plus haute montagne du monde. Cette année, 17 n’ont pas survécu (12 morts et cinq disparus) alors que certains décès auraient pu être évités, selon des experts népalais.

Selon Eric Bonnem, fondateur d’Expeditions Unlimited (le seul opérateur francophone dans les expéditions sur l’Everest), « il n’y a pas assez de sélectivité dans la délivrance des permis d’ascension ». Preuve en est, cette année, le chiffre grimpe à 478 quand il était d’environ 200 en 2010. Un boom qui reflète bien l’envie d’accéder au « sommet le plus emblématique de la planète », analyse Eric Bonnem. Mais aussi la sélection de moins en moins stricte des autorités népalaises, quand les autorités chinoises, elles, ne distribuent pas plus de 200 permis par saison. « Il faut plus de sélectivité au départ mais aussi que les tour-opérateurs s’assurent que les inscrits ont l’expérience, la culture et la préparation physique suffisante » pour gravir un tel défi, insiste Eric Bonnem.

« Ça devient un peu n’importe quoi »

Sensé quand on sait que l’ascension de l’Everest peut se faire par le Tibet et le Népal et que pour accéder au versant tibétain, il faut avoir déjà gravi un sommet… de 8.000 mètres. Mieux vaut donc s’être déjà frotté au Mont Blanc ou au Kilimandjaro, avant de s’attaquer aux 8.850 mètres et ce même si, « avec l’accélération du tourisme, les entreprises du Népal ont équipé les 8.000 mètres », avance le fondateur d’Expeditions Unlimited. A savoir que des cordes ont été installées sur tout le chemin. « Ça devient un peu n’importe quoi », souffle Eric Bonnem.

Et de plus en plus de touristes prennent de l’oxygène de plus en plus tôt. Or, « l’enjeu, c’est justement d’abord le manque d’oxygène, le froid, cela demande des efforts colossaux et décuplés en haute altitude. Au-delà de 8.000 mètres, les cellules du cerveau meurent, on appelle ça la zone de la mort », développe l’expert interrogé par 20 Minutes, qui regrette encore un manque d’expérience et d’autonomie parmi les ascensionnistes.

Des grimpeurs un brin naïfs, équipés de bouteilles d’oxygène d’environ 5 kg chacune, qui se font donc de plus en plus épauler par des sherpas (montagnards népalais expérimentés). « On compte environ deux sherpas pour un Occidental, avance Eric Bonnem. Ça fait quasiment 1.500 personnes sur la montagne, c’était inimaginable il y a dix ans ». Et entre manque d’expérience et de préparation physique se glisseraient aujourd’hui des infractions aux règles de sécurité de bases et des comportements qualifiés de « criminels » par Eric Bonnem. Le vol de bouteilles d’oxygène « dans plusieurs équipes, dont la nôtre, révèle l’un des principaux problèmes de la saison (…) la logistique de l’oxygène et les normes de sécurité », déplorait ainsi récemment auprès de l’AFP Mingma Gyalje Sherpa, de l’organisation Imagine Nepal Trek and Expedition.

« Il ne devrait même pas y avoir de consignes de sécurité rappelées sur les camps hors celle de la fenêtre de départ pour commencer l’ascension. On doit être capable de s’équiper soi-même. On est dans une telle montagne que ce n’est pas imaginable de devoir expliquer les consignes de sécurité et cela montre la dimension très amateuriste [des grimpeurs] », tacle encore Eric Bonnem.

Une ascension toujours périlleuse

Sans compter que les amateurs doivent également affronter une météo redoutable, l’un des premiers facteurs de décès sur l’Everest alors que « le froid, le vent vont accélérer la fatigue ». « On meurt d’épuisement, du mal aigu des montagnes (MAM), qui va causer une embolie pulmonaire ou cérébrale liée au manque d’oxygène, il faut absolument s’acclimater sans se presser. Mais il y a un manque d’humilité des clients qui pensent que tout leur est dû », poursuit le fondateur d’Expeditions Unlimited. Et ce, alors que cette année, les températures ont été exceptionnellement extrêmes. « Il devrait déjà faire chaud, environ - 28 °C, mais cette année, il a même fait – 40° », selon Mingma Gyalje Sherpa.

Au final, « on compte les morts et les personnes qui reviennent amputées d’un membre », assène encore Eric Bonnem, qui assure que l’ascension 2023 est la première à comptabiliser « autant de morts individuelles, sans explications objectives comme une avalanche par exemple ».

Côté occidental, l’Everest affiche un taux de réussite entre 40 et 45 %. Un succès qui n’est effectif que si l’alpiniste a réussi à monter puis à redescendre. Cependant ce chiffre pourrait baisser alors que « le nombre de morts ira probablement en s’accroissant, prévient Eric Bonnem. Et selon l’expert des hauteurs, la course à « l’image, l’envie de poster une photo une soi au sommet » participe au fait qu’il y a de « de plus en plus de monde de moins en moins expérimenté » sur cet Everest « qui fait fantasmer ».

Source: 20 Minutes