Le débat académique sur l’islam radical est-il possible au sein des universités ?
Séverin Millet
Trois plaintes pour « menaces de mort », une pour « injure publique », deux pour « diffamation publique » et un placement sous protection policière : depuis la sortie de son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête, publié en janvier (Ed. Odile Jacob, 416 pages, 24,90 euros), préfacé par Gilles Kepel, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler est la cible de nombreuses attaques, dont elle a saisi la justice. « Je pense être la seule chercheuse du CNRS qui soit menacée, de plus, sur son propre territoire », assurait-elle au Monde, le 10 mai, au lendemain de l’annonce du report de la conférence qu’elle devait tenir à la Sorbonne, suspendue par l’université pour des raisons de sécurité.
Le 23 mai, Mme Bergeaud-Blackler a été reçue par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et celle de l’enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. Sur France Inter, quelques heures avant le rendez-vous, elle évoquait son intention de leur exposer « la situation des chercheurs qui travaillent sur l’islamisme ». « Nous ne sommes plus qu’une poignée, nous sommes démunis. Nous n’avons plus de moyens de recherche, nous ne pouvons plus former d’étudiants, car nous ne pouvons pas les mettre en danger », alertait-elle.
C’est dans le milieu universitaire que les premières flèches ont été décochées. Des chercheurs « proches des milieux fréristes », précisait-elle à propos de l’ex-directeur de recherche du CNRS François Burgat, « ont excité les réseaux sociaux, ce qui a conduit à des menaces plus sérieuses ». Cité une vingtaine de fois dans l’ouvrage de Mme Bergeaud-Blackler, ce dernier estime que c’est elle qui l’a attaqué en premier sur les réseaux sociaux : « Je suis sa cible favorite. Elle a même mené campagne pour que je n’intervienne pas au lycée international [Georges-Duby] de Luynes [un quartier d’Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône]. Je ne m’en suis jamais pris à elle avant qu’elle m’attaque. Des menaces de mort, j’en reçois toutes les semaines et je ne les brandis pas dans la presse. Je me réserve le droit de répondre sur le terrain judiciaire. »
Dans l’enseignement supérieur et la recherche, le principe de « libertés académiques » revêt une valeur constitutionnelle depuis 1984 et le code de l’éducation prévoit que l’université doit garantir la liberté de la recherche et de l’enseignement. Autant de principes qui seraient actuellement bafoués, selon Mme Bergeaud-Blackler, qui « tire la sonnette d’alarme » et dénonce « un climat délétère à l’université ».
« Proche des instances de pouvoir »
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Source: Le Monde