Nantes-Toulouse : Comment Farès Chaibi, " faux lent " du FC Lyon, est devenu l’atout majeur du TFC en Coupe
Trois semaines plus tard, Farès Chaibi hante-t-il encore les nuits d’Arnold Temanfo ? En anticipant avec flair et malice la passe en retrait hasardeuse du défenseur d’Annecy, puis en piquant son ballon devant Thomas Callens, le milieu offensif franco-algérien a envoyé le Toulouse FC au Stade de France pour la première fois de son histoire. Ce but décisif, à cinq minutes de la fin d’une demi-finale de la Coupe de France tendue en Haute-Savoie (1-2), symbolise l’éclatante première saison professionnelle de Farès Chaibi (20 ans), auteur de 5 buts et 5 passes décisives en 30 apparitions en Ligue 1. Il est surtout le grand bonhomme de l’aventure inattendue en Coupe de France, avec 3 buts et 2 offrandes cumulées dans la compétition, avant de défier le FC Nantes samedi (21 heures).
Farès Chaibi en pleine pose de héros du TFC, juste après son but décisif en demi-finale de la Coupe de France, le 6 avril à Annecy. - Mourad ALLILI/SIPA
Des stats nettement supérieures à celles qu’il affichait la saison passée, avec l’équipe réserve du TFC en Nationale 3 (1 but et 3 passes décisives en 17 matchs), sans disputer alors la moindre minute avec le groupe professionnel en Ligue 2. C’est dire à quel point le pitchoun est sorti de nulle part ou presque l’été dernier. Pitchoun, pitchoun, enfin pas vraiment car celui-ci n’a rejoint le centre de formation du TFC qu’à quasiment 17 ans. Et ce, après avoir grandi à Bron Terraillon (Rhône), où le football est omniprésent, à quelques pas de la famille de Karim Benzema. « Le grand frère », comme Farès Chaibi le considérait ce mois-ci dans L’Equipe. Et une icône inspirante pour tout un quartier sensible, à l’image de l’immense fresque qui lui a été consacrée en novembre, après son Ballon d'or.
« Tu verras si l’année prochaine, je suis encore par ici »
Après des premiers pas au Sporting Club Bron-Terraillon (de 5 à 8 ans), comme la star du Real Madrid, le cadet de la fratrie Chaibi file à l’AS Bron, avant de rejoindre le FC Lyon en U15 élite ans grâce à une détection. Alors défenseur du FC Lyon dans cette catégorie, Kenny Oun était venu y assister pour découvrir de possibles futurs coéquipiers. « Farès a eu beau inscrire trois buts ce jour-là, ce n’était pas le gars qui tapait directement dans l’œil, raconte l’actuel joueur de Lyon La Duchère (National 2). Il avait une bonne patte, il gardait bien la balle et il mettait toujours sa main sur son adversaire pour le contrôler, mais il ne sortait pas encore du lot dans notre équipe U15 et U16. C’est en U17 nationaux qu’il est monté en puissance, en brillant tout en travaillant toujours beaucoup pour le collectif. »
Farès Chaibi à l'époque de la catégorie U17 nationaux avec le FC Lyon, à 16 ans, ici en troisième position en partant de la gauche sur le banc de droite - Gérard Jodar
Le genre de saison inattendue qui change un destin. Structure amateur, avec quasiment l’intégralité de l’effectif qui n’était pas en sport-études (dont Farès Chaibi), le club du 8e arrondissement de Lyon réussit l’exploit de remporter sa poule dans laquelle se trouvent six centres de formation, dont l’OL et l’ASSE. Kenny Oun se souvient d’une discussion qu’il avait eue durant l’été 2018 avec son prometteur coéquipier.
Farès a toujours été un gars sûr de lui et il m’avait dit : "Tu verras bien si l’année prochaine, je suis encore par ici". Et dans la foulée, il a marqué le but de notre première victoire contre Saint-Etienne (1-0). »
Celle qui a déclenché l’épopée du FC Lyon, alias « les emmerdeurs des centres de formation », et, par rebond, piqué la curiosité des recruteurs de toute la France. Les Girondins de Bordeaux ne regrettent ainsi pas d’avoir misé dans le même temps sur le défenseur Junior Mwanga, l’une des révélations cette saison en Ligue 2. Pourtant, la reprise avec le nouveau staff du FC Lyon avait parfois été tendue pour Farès Chaibi en 2018.
« Farès dormait foot et mangeait foot »
« C’est un caractère fort, confie l’entraîneur adjoint de l’époque, Marcelo Collazos. Il se sentait un peu intouchable lors de la préparation et il avait enchaîné des retards aux entraînements. On ne l’avait pas retenu pour un match de prépa à Nîmes et il avait vite corrigé le tir derrière. » Alors « à la limite du cadre », comme le résume son ex-coach Jordan Gonzalez, il a ensuite été très souvent décisif, avec 13 buts inscrits, dont 7 sur coup franc. L’actuel entraîneur du groupe de N2 de Lyon La Duchère retient notamment la frappe de 25 mètres en pleine lucarne, de celui qui se faisait surnommer « Juninho » à l’AS Bron, synonyme de succès à la dernière minute contre l’AJ Auxerre (2-1).
From FC Lyon to Lionel Messi very quickly. - Lewis Joly/AP/SIPA
Mais aussi « l’intelligence de jeu, le gros volume et la passion » de son ex-milieu relayeur ou meneur de jeu. « Farès dormait foot et mangeait foot, il jouait depuis tout le temps au foot avec ses copains à Bron, souvent avec des joueurs plus âgés », poursuit le coach franco-espagnol de 32 ans. Ses nombreuses parties de five au terrain But en or de son quartier du Terraillon lui ont d’ailleurs coûté cette saison-là, sur blessure, le match retour contre l’OL de Rayan Cherki.
« Je le sentais déjà programmé pour le haut niveau »
Une rare péripétie dans une saison quasi parfaite, tant individuellement que collectivement. « Sa mentalité était différente de celle de la plupart de nos joueurs, dans le sens où il ne prenait jamais un entraînement à la rigolade, insiste Marcelo Collazos. Il voulait tout le temps gagner le moindre exercice. » Là où certains auraient pu penser leur chance derrière eux, en étant toujours à 16 ans « hors des radars » des sélections de jeunes et des recruteurs de l’OL, Farès Chaibi s’imagine toujours un avenir professionnel. Jordan Gonzalez revient sur la problématique qui était alors celle du néointernational algérien, qui a connu le mois dernier ses deux premières sélections avec le groupe de Djamel Belmadi.
Pendant longtemps, il échappait aux yeux des recruteurs, contrairement à d’autres joueurs de l’équipe. Beaucoup de gens portaient des réserves à son sujet en lui mettant une étiquette de faux lent. Ils ne l’imaginaient pas aller plus haut. Mais dans sa tête, je le sentais déjà programmé pour le haut niveau. C’est pour ça que je le voyais passer le cap mental à Toulouse. Il a vraiment mûri, on voit à quel point c’est un joueur élégant, capable de trouver des passes cachées. »
Vous l'entendez le "Farès, Farès " de @ZAboukhlal ? 😏🐍
Un but synonyme de victoire et qui rapproche encore un peu plus nos Violets de leur objectif ! pic.twitter.com/ZVG8lj89gC — Toulouse FC (@ToulouseFC) April 24, 2023 L‘accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur « J‘ACCEPTE », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires J‘ACCEPTE Et pour mieux rémunérer 20 Minutes, n'hésitez pas à accepter tous les cookies, même pour un jour uniquement, via notre bouton "J‘accepte pour aujourd‘hui" dans le bandeau ci-dessous. Plus d’informations sur la page Politique de gestion des cookies.
Comme la dernière en date pour Zakaria Aboukhlal, dimanche dernier à Lorient (0-1), sublime et réalisée seulement quatre minutes après son entrée en jeu. Kenny Oun n’avait pas vraiment de doutes non plus, lorsqu’il a vu son pote rejoindre la Haute-Garonne : « Farès aime trop le foot, alors si en plus tu le mets dans un cadre de vie de footballeur, il ne peut que se régaler. Cette opportunité à Toulouse est arrivée au bon moment pour lui ».
L’exemple de son grand frère Ilyes peut l’aider
Et ce à une période où son grand frère Ilyes, attaquant de 26 ans du Servette Genève (Suisse) était dans le creux de la vague, à Thonon Evian, après quatre années au centre de formation de l’AS Monaco (aux côtés de Kylian Mbappé), et deux apparitions avec les pros. « Je pense que le parcours de son frère a aidé Farès, explique Marcelo Collazos. Comme c’était la deuxième fois, sa famille savait sans doute mieux gérer tout ce qu’implique une signature dans un centre de formation. On sentait qu’il y avait un très bon accompagnement autour de Farès. Son père était très présent mais il ne lui mettait pas la pression. »
En janvier 2016, Ilyes Chaibi avait pu participer à un 16e de finale de Coupe de France contre Evian Thonon-Gaillard (1-3), dans lequel il s'était distingué avec une passe décisive. - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
Dans une interview l’an passé pour le site Actufoot, Ilyes Chaibi reconnaissait en effet « un manque de maturité » sur sa période monégasque. « J’étais jeune, sans aucune responsabilité, je vivais seul et je n’en faisais un peu qu’à ma tête », précisait-il. Des mots qui ont dû sonner comme des avertissements auprès du jeune frangin débarquant au TFC. Comme un clin d’œil du destin, Jordan Gonzalez, Marcelo Collazos et Kenny Oun ont retrouvé et affronté Farès Chaibi à Lyon dès le 2 février 2020, à l’occasion du 3e tour de Coupe Gambardella entre La Duchère et le TFC (0-3).
« Ce qu’il faisait en U17, il le fait encore, mais en L1 »
« Il avait été très bon ce jour-là, ça se voyait qu’il avait un futur prometteur dans ce club », note Marcelo Collazos. U19 nationaux, N3 et désormais Ligue 1, le grand espoir brondillant a vite franchi les paliers dans la Ville rose, où il a signé son premier contrat professionnel en février 2022. « A la télévision, je vois presque le même joueur que j’ai connu, sourit Kenny Oun. Sa grosse frappe contre Montpellier (4-2 en octobre), il en a mis deux exactement de la même manière en U17 avec le FC Lyon. Tout ce qu’il faisait en U17 nationaux, il le fait encore maintenant, mais en Ligue 1. »
Et aussi donc en Coupe de France, où on l’a quitté, mégaphone à la main à Annecy, en train de fêter le sésame pour la finale devant un parcage de supporteurs toulousains déchaînés. « Je ne sais pas si c’est le but d’une vie, mais c’est le but le plus important de ma jeune carrière », glissait-il ensuite après son interception et son ballon piqué cruciaux. Avant un autre éclair encore plus détonant samedi au Stade de France ?
Source: 20 Minutes