Ukraine : à Orikhiv, près du front, les blindés croisent les ambulances

June 12, 2023
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Un blindé ukrainien roule dans le centre-ville d’Orikhiv. Le front n’est qu’à quelques kilomètres, à Orikhiv, oblast de Zaporijia (Ukraine), le 11 juin 2023. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »

Partout dans le village, des tanks et d’autres blindés, ainsi que des unités à pied se cachent sous le feuillage des arbres, pour ne pas être repérés par les drones russes. Le son du canon gronde. Des soldats reviennent du front et vont se reposer pour la journée, d’autres s’apprêtent à repartir en première ligne après avoir dormi un peu. Ils ont les traits tirés. Ils occupent les maisons vides de cette ville fracassée par les bombardements.

Orikhiv (à 65 kilomètres au sud-est de Zaporijia, dans le sud de l’Ukraine) est située à 6 kilomètres du front, où l’armée de Kiev a lancé l’une des contre-offensives destinées à reconquérir des territoires occupés par l’armée russe. Dans ce secteur, l’objectif militaire à plus ou moins long terme est la reconquête de Melitopol, sur la route de la péninsule de Crimée, et des villes qui bordent la mer d’Azov, Berdiansk et surtout Marioupol, devenue le symbole de la volonté destructrice russe en Ukraine.

Orikhiv est typique de ces localités proches du front ravagées par la guerre. Et, dimanche 11 juin, une semaine après le déclenchement des contre-offensives ukrainiennes, la ville, qui comptait 14 000 habitants avant la guerre, témoigne des activités d’un front très actif, avec un ballet de blindés partant au combat et croisant des ambulances qui, sirènes hurlantes, emmènent les blessés à l’hôpital, à l’arrière.

L’entrée d’un abri dans le centre-ville, à Orikhiv (oblast de Zaporijia), le 11 juin 2023. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »

A Orikhiv, le 11 juin 2023. Il ne reste que quelques échoppes ouvertes sur le marché du centre-ville. Les derniers habitants, ainsi que les soldats, viennent s’y ravitailler. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »

Les civils sont presque tous partis, à part quelques vieilles personnes qui émergent parfois des caves de leurs maisons pour aller acheter, dans ce qu’il reste du marché partiellement dévasté, du pain, des œufs et des légumes. Là, dans une atmosphère surréaliste, trois étals sont encore ouverts. Deux affichettes indiquent « abri », avec une flèche pointant l’entrée d’un souterrain, au cas où les bombardements reprendraient. La veille, deux personnes sont mortes là, devant le marché, dans la rue qui borde le parc.

Un soldat fait des emplettes pour son unité et a un moment d’hésitation devant des sachets de saucisses n’ayant sans doute pas connu de réfrigérateur depuis longtemps. Cinq combattants cherchent des cigarettes. Il n’y en a plus, mais la marchande leur explique comment trouver, dans une rue voisine, l’entrée latérale d’une épicerie qui, en dépit des apparences, est toujours ouverte et dispose peut-être encore de quelques cartouches.

A quelques rues de là, des ambulances et des fourgonnettes d’une unité paramédicale sont, elles aussi, cachées sous des arbres. Les secouristes militaires sont invisibles, réfugiés dans le souterrain d’un immeuble meurtri par les tirs de roquettes. Tandis qu’une unité part se reposer après d’incessants allers-retours entre le front et l’hôpital de Zaporijia durant la nuit, une autre se réveille. Deux infirmiers, « Lazar » et « Kompozytor » de leurs noms de guerre, émergent de leurs couchettes, tandis que leur chauffeur prépare le café. Comme les soldats rencontrés au hasard des rues d’Orikhiv, ils ne sont pas autorisés à parler des combats en cours pendant la période de « silence opérationnel » ordonnée par Kiev.

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Source: Le Monde