" Les Français ne donnent pas pour la santé mentale "… Pourquoi le Psychodon est-il si peu connu ?

June 12, 2023
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Le Téléthon et le Sidaction, tout le monde connaît. Des événements caritatifs destinés à récolter des fonds pour financer la recherche contre les maladies génétiques rares, comme la myopathie, et le Sida. Mais avez-vous déjà entendu parler du Psychodon ? Il s’agit de l’équivalent pour les pathologies psychiques, et ce lundi soir à partir de 20h a lieu la cinquième édition de l’événement. Plusieurs artistes, comme Pomme, Marina Kaye, Bilal Hassani ou Patrick Bruel chanteront à l’Olympia et appelleront aux dons pour financer la recherche, la prévention mais aussi l’accompagnement des personnes malades et de leurs proches. La soirée, qui réunira des professionnels, des associations et des personnalités, a aussi pour but de déstigmatiser les personnes concernées par un trouble psychique.

Mais cet événement ne sera pas diffusé en prime time à la télévision. Pourquoi n’est-il pas davantage connu, alors que 12 millions de personnes sont concernées par des pathologies mentales et qu’une personne se suicide toutes les 40 minutes en France ?

Un sujet tabou… qui fait peur

Premier élément avancé par Didier Meillerand, journaliste et fondateur du Psychodon : parler de maladie mentale a la télé n’est pas vendeur. Les chaînes de télévision semblent frileuses à l’idée de parler si ouvertement de schizophrénie, de dépression et d’addiction. « Ce n’est pas tant le Psychodon qui manque de notoriété que le sujet de la santé mentale, appuie Jean-Philippe Cavroy, délégué général de la Fondation Santé Mentale France. On serait sur une cause plus connue, mieux expliquée, moins taboue, ce serait très différent. »

Car les clichés sur les pathologies psychiques ont la vie dure. Les schizophrènes seraient dangereux, les personnes dépendantes à l’alcool manqueraient de volonté, et celles ayant fait une tentative de suicide chercheraient à attirer l’attention. En bref : les maladies mentales sont mal connues, font peur et restent taboues. « Il est encore très difficile de dire qu’on souffre d’une maladie mentale », assure Jean-Philippe Cavroy.

Un exemple assez flagrant de cette stigmatisation : d’après le fondateur du Psychodon, il a été difficile de convaincre des artistes de participer à un tel événement. Parmi celles et ceux qui ont répondu à l’appel cette année, on trouve Pomme. La chanteuse a longuement parlé de son anxiété, dans ses textes mais aussi lors de ses interventions médiatiques. « Il y a très peu de porte-parole de la santé mentale, se désole Jean-Philippe Cavroy. Mais on avance. La parole commence à se libérer. »

« Les Français ne donnent pas pour la santé mentale »

Et les conséquences de cette stigmatisation sur les dons sont directes. « Pour le moment, les Français ne donnent pas pour la santé mentale », regrette Didier Meillerand. Les dons reçus lors des précédentes éditions du Psychodon sont « insignifiants », d’après le fondateur lui-même. En cause, notamment : l’aspect moins visible des pathologies mentales sur celles physiques. « Au Téléthon, par exemple, on voit des enfants en souffrance, en fauteuil roulant, alors que les maladies psychiques sont des handicaps invisibles. »

« La santé mentale est une cause pour laquelle il est toujours difficile de lever des fonds », confirme Jean-Philippe Cavroy. Pour le moment, la santé mentale ne semble pas être considérée comme une grande cause nationale. « Il faut que le public prenne conscience que nous avons une tête et que la santé mentale est éligible à leur don comme on donne pour le cancer ou pour le Sida », ajoute Didier Meillerand.

Le manque d’investissement des pouvoirs publics

Si l’événement a pu voir le jour (et perdurer sur cinq éditions), c’est notamment grâce au soutien des mécènes. Mais les fondations ayant financé le Psychodon se comptent sur les doigts d’une main. Et l’Etat et les collectivités territoriales n’ont pas déboursé un centime pour financer l’événement. « C’est l’œuf et la poule, explique Jean-Philippe Cavroy. Les pouvoirs publics n’agissent pas tant que la société civile et les associations n’ont pas ouvert la voie. »

Pour le délégué général de la Fondation Santé Mentale France, les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités en diffusant ce type d’événement sur France 2 ou France 3, par exemple. « C’est un enjeu de société, de santé publique, estime Jean-Philippe Cavroy. C’est aux pouvoirs publics de prendre les devants maintenant. » France Télévisions vient, pour la première fois cette année, de diffuser les spots publicitaires pour le Psychodon. Un (tout petit) pas.

Source: 20 Minutes