Mort de Silvio Berlusconi : "Rubygate", Mediaset… Une carrière émaillée de nombreux ennuis judiciaires

June 12, 2023
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L'ancien chef du gouvernement italien, décédé lundi à 86 ans, a accumulé tout au long de sa vie publique une série de procès en tous genres. Ils se sont quasi tous soldés par un acquittement ou un non-lieu.

"J'ai dépensé 770 millions d'euros pour 105 avocats qui m'ont assisté au cours des procès", avait un jour évalué Silvio Berlusconi. L'ancien chef du gouvernement italien, qui s'est éteint lundi 12 juin à l'âge de 86 ans, restera aussi dans l'histoire pour ses innombrables démêlés avec la justice. La quasi-totalité de ces affaires se sont achevées par des acquittements définitifs, des classements sans suite ou des non-lieux. Silvio Berlusconi a d'ailleurs toujours clamé son innocence, s'estimant victime d'un acharnement judiciaire fomenté par des magistrats de gauche à des fins politiques. Franceinfo revient sur certaines des affaires emblématiques qui ont marqué la carrière du "Cavaliere".

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Le scandale des soirées "Bunga bunga" et du "Rubygate"

Celui qui a occupé trois fois le poste de président du Conseil italien (équivalent de Premier ministre), de 1994 à 2011, s'est retrouvé empêtré dans une myriade de procès liés à ses tristement célèbres et sulfureuses soirées "Bunga bunga". Cette histoire judiciaire commence en 2010, quand Silvio Berlusconi est accusé d'abus de pouvoir pour avoir protégé une jeune danseuse de night-club marocaine, Karima El-Mahroug. Interpellée pour un larcin, la jeune femme, connue sous le nom d'artiste "Ruby", est libérée grâce à l'intervention du leader italien, qui prétend qu'elle est la nièce d'Hosni Moubarak, le président égyptien de l'époque.

L'année suivante, Silvio Berlusconi est accusé d'avoir payé Ruby, âgée de 17 ans en 2010, pour des rapports sexuels lors de ces soirées "Bunga bunga", "orgies" pour certains, "dîners élégants" pour leur organisateur. Condamné en première instance, en 2013, à sept ans de prison et une peine d'inéligibilité à vie pour incitation à la prostitution de mineure, Silvio Berlusconi est acquitté en juillet 2014 par la cour d'appel. Les juges retiennent cette fois l'argument des avocats de la défense, selon lesquels leur client ignorait l'âge de Ruby. Cet acquittement est définitivement confirmé en mars 2015 par la Cour de cassation dans ce volet.

Convaincus que le milliardaire a acheté le silence de nombreuses jeunes femmes au sujet de ces soirées, les magistrats ouvrent toutefois de nouvelles enquêtes pour subornation et corruption de témoin et faux témoignages. Elles se soldent aussi par trois acquittements, en 2021 à Sienne, en 2022 à Rome et en février 2023 à Milan. Dans ce dernier procès, baptisé "Ruby-ter", le parquet avait réclamé six ans de prison contre le sénateur octogénaire et décrit Silvio Berlusconi comme un "sultan" qui avait l'habitude d'"animer ses soirées avec un groupe de concubines, au sens d'esclaves sexuelles, qui le divertissaient contre rémunération". Mais les juges n'ont pas pu retenir les faits de corruption. "Finalement acquitté après plus de 11 ans de souffrances, d'infamie et de dégâts politiques incalculables", avait réagi l'intéressé.

Le procès pour fraude fiscale liée à Mediaset

La seule condamnation définitive dont a écopé "le Caïman" est liée à une affaire de fraude fiscale. Silvio Berlusconi est alors accusé d'avoir utilisé son empire audiovisuel Mediaset pour racheter les droits de diffusion "gonflés" de films, acquis au préalable par des sociétés écrans qui lui appartiennent. Le groupe a constitué des caisses noires à l'étranger et réduit ses bénéfices en Italie afin de payer moins d'impôts. Lors du procès en première instance, en octobre 2012, le procureur affirme que les coûts d'acquisition des films par Mediaset ont été"gonflés" de 285 millions d'euros pour la seule période 1994-1998, tandis que pour les années 2001-2003, ce chiffre aurait été de 40 millions d'euros.

Silvio Berlusconi est condamné à quatre ans de prison mais voit sa peine immédiatement réduite à un an, en vertu d'une loi d'amnistie promulguée en 2006 pour réduire la surpopulation carcérale. Une décision confirmée en appel puis en cassation en 2013. Son année de détention est transformée en travaux d'intérêt général, effectués dans la région de Milan dans une maison de retraite pour personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer, comme le rappelle la Rai.

S'agissant de la peine d'inéligibilité, fixée à cinq ans en première instance, la Cour de cassation renvoie la balle à la cour d'appel, qui ramène cette sanction à deux ans. En novembre 2013, le Sénat vote l'exclusion de Silvio Berlusconi, en raison de cette condamnation définitive dans l'affaire Mediaset. Il est déchu de son mandat de sénateur – il le récupérera en 2022. "Je n'ai jamais trempé dans un système de fraude fiscale. Il n'y a pas de fausses factures dans l'histoire de Mediaset", avait-il réagi après la décision de la Cour de cassation, se disant "persécuté par les magistrats" depuis vingt ans.

L'affaire de l'OPA d'Unipol sur la banque BNL

Cette même année 2013, Silvio Berlusconi est condamné à un an de prison pour violation du secret de l'instruction dans une autre affaire. Comme le rappelait alors l'agence de presse Reuters, le politicien et entrepreneur était jugé pour avoir transmis des informations confidentielles à un journal propriété de son frère au sujet d'une enquête sur une tentative de prise de contrôle de la Banca Nazionale del Lavoro (BNL) par l'assureur Unipol, en 2005. Le quotidien italien Il Giornale avait publié les détails d'une conversation téléphonique entre l'homme politique de centre gauche Piero Fassino et l'ex-patron d'Unipol au sujet de cette affaire. Cette conversation avait été enregistrée grâce à une mise sur écoute.

Silvio Berlusconi et son frère ont finalement été relaxés en appel en mars 2014, les faits étant prescrits.

Le dossier des pots-de-vin versés à un sénateur

Nouvelle condamnation, en 2015, pour Silvio Berlusconi. Il est cette fois-ci poursuivi pour avoir versé un pot-de-vin de trois millions d'euros à un sénateur. En 2006, après des élections législatives remportées de justesse, le président du Conseil, Romano Prodi, ne disposait que d'une très courte majorité au Sénat. Seulement quelques mois après le vote, l'un des sénateurs de la coalition de gauche, Sergio De Gregorio, avait changé de camp et rejoint Silvio Berlusconi. Un départ qui avait accéléré la chute du gouvernement. Sergio De Gregorio avait reconnu devant les juges et la presse avoir été payé.

Mais cette peine était encore en procédure d'appel lorsqu'elle a été frappée de prescription.

Des enquêtes sur ses liens avec la mafia

D'autres dossiers judiciaires se refermeront sans lui. Longtemps soupçonné de liens avec la mafia, Silvio Berlusconi a en effet également fait l'objet d'enquêtes sur ces allégations mais elles n'ont jamais abouti à un procès. Son ami et associé Marcello Dell'Utri, cofondateur de son parti Forza Italia, a en revanche fait de la prison dans les années 2010 pour avoir joué le rôle d'intermédiaire entre Silvio Berlusconi et Cosa Nostra, la mafia sicilienne, dans les années 1970.

Selon la Cour de cassation, Marcello Dell'Utri a fait embaucher par Silvio Berlusconi un membre de Cosa Nostra pour diriger les écuries de sa somptueuse villa d'Arcore, près de Milan. Toujours selon la Cour, le milliardaire a versé "d'importantes sommes d'argent" sur deux décennies à la mafia pour bénéficier de sa protection.

Source: franceinfo