Des employés de TotalEnergies infiltrés à la COP par une pseudo-ONG environnementale
Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, accompagné de son garde du corps Jérôme Bellesort, accrédité par le biais de l’ONG International Climate Dialogue, à la COP27, à Charm El-Cheikh (Egypte), le 11 novembre 2022. FAYEZ NURELDINE / AFP
Les lobbyistes du pétrole et du gaz ont-ils leur place dans les négociations sur le climat, alors que les appels à les bannir des prochaines COP se multiplient, tant du côté des organisations non gouvernementales (ONG) que du monde politique ?
En novembre 2022, au moins 636 représentants des industries fossiles étaient accrédités pour la COP27, organisée dans la station balnéaire égyptienne de Charm El-Cheikh, selon un décompte effectué par trois ONG. Si les entreprises n’ont pas le droit de s’inscrire directement, elles contournent la règle en passant par des organisations admises à la COP en tant qu’observatrices.
Le grand groupe industriel français spécialiste des hydrocarbures TotalEnergies a ainsi pu inscrire son président-directeur général (PDG), Patrick Pouyanné, et trois autres de ses dirigeants au nom de diverses organisations sectorielles auxquelles il est affilié – l’association Entreprises pour l’environnement, le World Business Council for Sustainable Development, l’International Emissions Trading Association et l’International Petroleum Industry Environmental Conservation Association. Mais cette stratégie a des limites : les organisations de lobbying disposant d’un nombre limité d’accréditations, les places sont chères.
Gardes du corps et lobbyistes
Pour augmenter son contingent à Charm El-Cheikh, TotalEnergies a trouvé une solution aussi discrète qu’inattendue : faire accréditer quatre employés supplémentaires par une pseudo-ONG environnementale allemande, International Climate Dialogue e. V. (ICD). Cette délégation comprenait les deux gardes du corps de Patrick Pouyanné, Jérôme B. et Patrick C., ainsi que le lobbyiste international de TotalEnergies, Majdi Abed, et le vice-président de l’entreprise chargé des marchés carbone, Pascal Siegwart. Au sein de la délégation hétéroclite de l’ICD à la COP27, leurs noms côtoyaient ceux de quatre chercheurs taïwanais.
Parmi les 1 649 ONG présentes à la COP27, l’ICD faisait figure de grande inconnue. Fondée en 2014 à Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg), cette organisation se donne pour objectif « la promotion de l’éducation » sur le changement climatique, au moyen de « publications », « séminaires, conférences », « sessions publiques d’informations » ou encore d’« exposition de nouvelles découvertes scientifiques », dans le but de « faire avancer le discours politique sur le changement climatique tout en maintenant une position impartiale ». Jusqu’à il y a peu, son site Internet était presque vide. S’il a subitement été enrichi après que Le Monde a contacté l’ONG, il ne mentionne toujours pas le nom de ses dirigeants ou la source de ses financements. « On dirait une association paravent », glisse un cadre de l’ONG Transparency International.
Il vous reste 69.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source: Le Monde