Greta Thunberg arrête les grèves de l'école mais la relève est bien là
Vendredi dernier, l’activiste suédoise Greta Thunberg a pris part à sa toute dernière grève de l’école, après près de cinq années (251 semaines, plus exactement) de mobilisation. « Quand j’ai commencé à faire la grève en 2018, je n’aurais jamais pu imaginer lancer le début de quoi que ce soit. C’est après m’être mobilisée chaque jour, pendant trois semaines, que s’est formé un petit groupe et qu’ensemble, nous avons pris la décision de faire la grève chaque vendredi », explique-t-elle sur son compte Twitter.
Désormais âgée de 20 ans, Greta Thunberg était loin d’imaginer, en août 2018, le succès du mouvement qu’elle a contribué à lancer, Fridays for Future. Dès 2019, plusieurs millions d’élèves participent aux grèves de l’école dans 180 pays du monde. « L’étincelle a pris et l’effet de masse s’est imposé très rapidement, analyse Nicolas Haeringer, directeur de campagne pour la plateforme qui milite pour les renouvelables, 350.org. En quelques mois, les grèves de l’école sont parvenues à faire ce que nous n’avions encore jamais réussi ! »
Prendre conscience qu’on peut lutter contre le changement climatique à 15 ans
Par ailleurs, là où les associations engagées pour le climat avaient tendance à préparer soigneusement « une grande mobilisation mondiale par an », à grand renfort de campagnes de communication, les grèves de l’école ont imposé de manière spontanée « un rythme de mobilisation extrêmement soutenu, qu’on retrouve aujourd’hui dans les actions organisées par Just Stop Oil et Dernière rénovation ». La cadence était-elle un peu trop intense ? Avec la pandémie de Covid, le mouvement s’est essoufflé et le nombre de manifestants a nettement décliné. À Paris, seules 200 à 300 personnes étaient ainsi mobilisées lors de la marche de septembre 2022, loin des 30.000 à 40.000 aux prémices du mouvement, en 2019. Cependant, des mobilisations se poursuivent : le 9 juin dernier, à Nancy, le 12 mai, à Dijon et à Grenoble, le 21 avril, à Strasbourg… Et Le 10 mars dernier, une journée de grève nationale pour la rénovation thermique des bâtiments a mobilisé des écoliers, collégiens et des lycéens dans 115 villes de France, selon ses organisateurs.
En France, l’un des deux porte-paroles de Fridays for Future, Pablo Flye, se souvient comment la grève lancée Greta Thunberg lui a permis de prendre conscience que, même à 15 ans, « on ne pouvait pas seulement subir le changement climatique ». « Mais au contraire, être un acteur de la lutte, avec un mode d’action très simple et des codes qui correspondent aux jeunes, comme l’organisation via les réseaux sociaux, explique-t-il. Et si d’autres mouvements ont essaimé depuis, la grève pour le climat reste une porte d’entrée pour les jeunes. »
Une nouvelle génération arrive
Les grèves de l’école ont aussi été « une incroyable formation accélérée à la mobilisation sur la justice climatique, qu’il s’agisse des prises de paroles, des relations presse ou de la communication », poursuit Nicolas Haeringer. Ailleurs dans le monde, ces mobilisations ont propulsé d’autres activistes des bancs de l’école… aux tribunes de l’ONU : c’est le cas de l’Ougandaise Vanessa Nakate, âgée de 25 ans et nommée « ambassadrice de bonne volonté » par l’organisation internationale, l’année dernière. Celle-ci est particulièrement mobilisée contre Eacop (pour « East African Crude Oil Pipeline »), ce méga projet d’oléoduc destiné à transporter du pétrole brut à partir de nouveaux puits ougandais vers le port de Tanga, en Tanzanie, en déplaçant plusieurs milliers de personnes et en ravageant des écosystèmes naturels.
L’activiste allemande Luisa Neubauer était déjà étudiante en géographie, lorsqu’elle commence à lancer les marches outre-rhin, en 2019, après avoir rencontré Greta Thunberg, lors de la conférence sur le climat à Katowice, en Pologne, en décembre 2018. Ces derniers temps, elle a été particulièrement active dans la lutte contre l’ouverture d’une mine de charbon à Lützerath, en Allemagne. Et sur spotify, son podcast sur le climat, « 1,5 Grad » ( « 1,5 degré », en français), cartonne, avec près de 450.000 auditeurs.
Diplômée de mathématiques, la militante des Philippines, Mitzi Jonell Tan, s’est quant à elle fait remarquer lors des deux dernières COP, en réclamant la justice pour les pays du Sud, premières victimes de la crise climatique. À 11 ans seulement, l’Indienne Licypriya Kangujam interpelle régulièrement le gouvernement de son pays, en proie ce printemps à « la pire vague de chaleur de l’histoire de l’Asie », selon le climatologue Maximiliano Herrera. Certaines de ces nouvelles figures de proue de la lutte contre le changement climatique seront d’ailleurs rassemblées à Paris les 22 et 23 juin, à l’occasion du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui vise à débloquer de nouveaux financements pour l’adaptation des pays les plus vulnérables.
« Je continuerai de manifester tous les vendredis »
On ne peut pas faire la grève de l’école toute sa vie… Les porte-paroles de la branche française de Fridays For Future ont eux aussi passé le bac. Alice Dubois étudie à Sciences po sur le campus de Nancy depuis la rentrée 2021. Et depuis l’obtention de son bac en 2022, Pablo Flye prête main-forte à l’équipe du député européen Nouvelle Donne Pierre Larrouturou, afin d’obtenir une taxe internationale sur les transations financières - une activité bien distincte de son engagement auprès de Fridays for future, qui souhaite éviter toute récupération politique. « Les millions de manifestants des grèves pour le climat n’ont pas disparu, ils se mobilisent de différentes manières, partout dans le monde, dans les sphères associatives, politiques… » conclut Pablo Flye.
Sans surprise, Greta Thunberg n’arrêtera pas non plus de se mobiliser pour le climat, une fois son bac en poche. Au cours des derniers mois, l’activiste était, avec son amie Luisa Neubauer, du combat contre la réouverture de la mine de charbon, à Lützerath. Elle s’est aussi mobilisée en soutien aux Samis, ce peuple autochtone du Grand Nord, expropriés pour construire un parc d’éoliennes, en Norvège. « Je continuerai de manifester tous les vendredis, bien qu’il ne s’agisse plus, techniquement, d’une grève de l’école pour le climat. Nous n’avons tout simplement pas le choix. Le combat ne fait que commencer », conclut-elle sur Twitter.
Source: 20 Minutes