Meta dévoile un modèle d'IA proche de l'intelligence humaine

June 13, 2023
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Par Raphaël Balenieri

Publié le 13 juin 2023 à 18:35 Mis à jour le 13 juin 2023 à 19:30

L'intelligence artificielle surpassera-t-elle un jour celle des humains ou des animaux ? Le scénario n'a rien de la science-fiction si l'on en croit Meta, la maison mère de Facebook. Mardi, Yann LeCun, le « AI chief scientist » du groupe, a dévoilé à Paris à la veille du salon VivaTech un nouveau modèle d'intelligence artificielle (IA) qui sera capable de « comprendre le monde sous-jacent ». Et donc d'apprendre, de raisonner et de planifier des tâches, allant bien plus loin que les modèles actuels.

Baptisé « JEPA » (pour « Joint Embedding Predictive Architecture »), ce modèle s'appuie sur une nouvelle architecture conçue par le chercheur star l'année dernière. « Le but, c'est d'avoir des machines au moins aussi intelligentes que les humains, si ce n'est plus », explique Yann LeCun. « Or aujourd'hui, le 'machine learning' est vraiment pourri par rapport à ce que les humains peuvent faire. […] Par conséquent, quelque chose d'énorme nous échappe. »

Une intelligence proche de celle du chien

Ce modèle marque une rupture majeure avec les modèles d'IA générative, sur lesquels repose ChatGPT, le chatbot d'OpenAI. Au lieu de mouliner d'énormes quantités de données ou de textes insérés par des humains, JEPA compare des représentations abstraites d'images ou de sons. L'idée est de répliquer le fonctionnement du cerveau humain qui analyse, tous les jours, sans s'en apercevoir, énormément d'informations simplement en observant le monde qui l'entoure. Or « cette information de bon sens est clé pour l'intelligence », explique Meta.

En utilisant des représentations, l'espoir est donc que ces modèles deviennent auto-apprenants. De cette façon, ils n'auront plus à « deviner » les informations manquantes pour générer le bon texte ou la bonne image - ce qui aujourd'hui, dans ChatGPT, génère beaucoup d'erreurs, les fameuses « hallucinations ».

L'intérêt de JEPA est aussi qu'il est plus rapide et nécessite moins de puissance informatique. « Les modèles larges de langage sont encore utiles aujourd'hui, mais dans cinq ans on ne les utilisera plus, pronostique Yann LeCun. Notre travail prendra des années, voire des décennies. Au début, nous parviendrons à une IA proche de l'intelligence des chiens ! »

Un produit « flashy »

L'un des premiers cas d'usages de ce modèle JEPA est la reconnaissance d'images. Meta, qui utilise déjà de l'IA pour éliminer les images terroristes ou pornographiques sur Facebook ou Instagram, pourra l'utiliser dans ce cadre. « Un annonceur pourra savoir combien il y a de photos de sacs Louis Vuitton dans tout Instagram », assure le scientifique.

Mais à plus long terme, cette IA pourra élaborer des stratégies marketing ou publicitaires complètes pour des grandes marques, écrire sur un argumentaire juridique, etc. Or aujourd'hui, l'IA générative peut simplement générer un premier jet de texte ou le concept créatif de base.

Avec JEPA, Meta veut aussi montrer qu'il reste un acteur puissant de l'IA face à OpenAI, le créateur du robot star ChatGPT. Et qu'il ne s'est pas trompé de combat en pivotant vers le métavers fin 2021… « Nous sommes loin d'être en retard en IA, cette idée est complètement fausse. Nous utilisons l'IA en interne depuis des années. Peut-être que nos projets n'étaient pas aussi 'flashy' », répond Naila Murray, la directrice de la recherche de FAIR - le réseau de laboratoires de recherches en IA de Meta - pour la zone EMEA.

JEPA s'imposera-t-il jusqu'à faire disparaître les modèles de langages ? Meta, qui l'a mis en open source, compte sur la communauté des développeurs et des chercheurs pour l'améliorer. Mais le groupe est prudent et réaliste, vu la vitesse à laquelle ce domaine évolue. « Au final, peut-être qu'un modèle encore différent s'imposera », reconnaît la canadienne Joëlle Pineau, la vice-présidente de la recherche en IA de Meta. « Il y a encore trente années de recherche à venir dans l'IA », sourit Yann LeCun.

VIDEO. Quand même l'intelligence artificielle s'inquiète des dérives de l'intelligence artificielle

Source: Les Échos