Au Royaume-Uni, une femme condamnée à de la prison ferme pour avoir provoqué la fin de sa grossesse après le délai légal

June 13, 2023
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Pour le Crown Prosecution Service, le ministère public britannique, cité par la BBC, les affaires comme celle de Carla Foster sont « exceptionnellement rares… complexes et traumatisantes ». Cette Britannique de 44 ans, mère de trois enfants, a été condamnée, lundi 12 juin, à vingt-huit mois de prison, dont quatorze mois ferme, par le tribunal de la couronne de Stoke-on-Trent, après avoir recouru à des pilules abortives au-delà du délai légal.

La loi de 1967 sur l’avortement dispose qu’une grossesse peut être légalement interrompue jusqu’à la vingt-quatrième semaine de grossesse au Royaume-Uni. Poursuivie en vertu de l’article 58 du Offences Against the Person Act 1861, qui régit les atteintes à la personne, et accusée d’avoir pris des médicaments ou utilisé des instruments pour obtenir un avortement, Carla Foster était enceinte de 32 à 34 semaines, lorsqu’elle a contacté le British Pregnancy Advice Services (BPAS) dans le cadre du programme « pilules par la poste », mis en place pendant la pandémie de Covid-19.

Selon le tribunal, Mme Foster a menti au BPAS sur « l’état d’avancement » de sa grossesse, le service fournissant des pilules abortives après une consultation à distance pour des grossesses allant jusqu’à dix semaines. Le BPAS lui a fait parvenir un comprimé de mifépristone et quatre de misoprostol : les deux médicaments utilisés ensemble constituent la pilule abortive. Elle a pris un comprimé de mifépristone le 9 mai et les quatre comprimés de misoprostol à 13 heures, le 11 mai 2020. Mais trois heures plus tard, elle a appelé les urgences.

L’autopsie du bébé mort-né a révélé que la cause du décès était l’utilisation par la mère de médicaments abortifs.

« Un acte délibéré »

Dans son réquisitoire, le procureur Robert Price a déclaré que Carla Foster avait « illégalement provoqué l’avortement de l’enfant qu’elle portait en prenant des médicaments abortifs qu’elle avait obtenus en fournissant de fausses informations à un service de grossesse ». « Le ministère public estime que la prise de médicaments était un acte délibéré. Son intention était de se faire avorter. »

Lors de son procès, il a été établi que Mme Foster avait eu des relations avec deux hommes autres que son ancien compagnon et avait découvert à la fin de 2019 qu’elle était enceinte, sans savoir qui était le père. Selon le site du Stoke Sentinel, le quotidien local qui a suivi l’affaire, elle a voulu cacher sa grossesse et elle a effectué des recherches sur Internet sur les moyens d’y mettre un terme.

Selon le procureur, Mme Foster a continué à faire des recherches sur Internet depuis son lit d’hôpital, notamment « Puis-je avoir des problèmes avec la police pour avoir pris des pilules abortives ? » et « Pourrais-je aller en prison pour avoir avorté à 30 semaines de grossesse ? ».

Des professionnels de la santé, dont le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, le président de la Faculty of Public Health et le National Institute for Health and Clinical Excellence, ont signé une lettre demandant au juge de faire preuve de clémence. Ils ont fait valoir que l’emprisonnement de Mme Foster dissuaderait d’autres femmes d’avoir recours à leurs services ou d’être franches avec les médecins.

Dans sa décision, le juge Edward Pepperall a critiqué ces interventions, rappelant que son « devoir en tant que juge est d’appliquer la loi telle que prévu par le Parlement. Je n’accepte pas [l’idée] que l’emprisonnement dissuade les femmes et les filles de demander légalement des soins dans la limite de 24 semaines. »

Appels à réformer la loi

Avant sa condamnation Carla Foster a écrit sur Facebook : « Personne n’a le droit de vous juger car personne ne sait ce que vous avez vécu. Ils ont peut-être entendu des histoires, mais ils n’ont pas ressenti ce que tu as ressenti dans ton cœur. »

Sur Twitter, la députée travailliste Stella Creasy a appelé à une « réforme urgente » : « La peine de prison moyenne pour un délit violent en Angleterre est de dix-huit mois. Une femme qui a eu recours à un avortement sans suivre les procédures vient d’être condamnée à vingt-huit mois [de prison] en vertu d’une loi de 1861. »

La députée conservatrice Caroline Nokes, présidente du House of Commons Women and Equalities Committee, s’est également exprimée à la BBC, pour demander une réforme de la législation de 1861.

Interrogé sur cette affaire, un porte-parole du premier ministre, Rishi Sunak, a déclaré : « Nos lois, telles qu’elles existent, équilibrent le droit d’une femme à des avortements sûrs et légaux avec les droits d’un enfant à naître, je n’ai pas connaissance de projets visant à modifier les lois sur l’avortement. »

Plusieurs organisations, dont le Women’s Equality Party et le BPAS, ont appelé à une marche, le 17 juin, entre la cour royale de justice et le palais de Westminster pour exiger une réforme de la loi sur l’avortement.

En attendant, la députée Stella Creasy a ajouté sur Twitter : « Il existe un mécanisme que le gouvernement peut utiliser pour faire preuve de miséricorde envers une femme condamnée (…) pour avoir avorté : c’est une prérogative royale qui a été utilisée pour la dernière fois en 2020. Si vous pensez que l’avortement est un problème de santé et non une affaire criminelle, demandez à votre député de se joindre à moi pour exhorter le lord chancelier [l’équivalent du ministre de la justice] à agir. »

Le Monde

Source: Le Monde