"Pour nous, c’est la douche froide !" Incompréhension et inquiétude à l’hypermarché de Vals qui deviendra Intermarché

June 14, 2023
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Muriel Muguet, déléguée CFDT à Casino, n’y va pas par quatre chemins. « Pour nous, c’est une douche froide. On était au courant que l’entreprise allait mal mais à ce point… À cette heure, nous ne savons pas grand-chose, à commencer par le nom du franchisé qui va nous reprendre. On est dans le flou. »

Encore une centaine d’emplois

Au lendemain du comité central d’entreprise qui s’est déroulé à Saint-Étienne et de l’annonce de la vente de 119 magasins Casino à Intermarché (lire notre édition précédente), le moral des membres du personnel de l’enseigne, à Vals-près-le-Puy, était au plus bas ce mardi. Des témoins faisaient état des pleurs de certains salariés très inquiets sur le sort de leur entreprise - certains ont plus de 30 ans d’ancienneté - et de l’avenir du personnel. Le magasin compte 105 équivalents temps plein (il était monté à 240 emplois), avec une moyenne d’âge relativement élevée et des salariés pour un certain nombre, peu qualifiés. « C’est une catastrophe pour le personnel de Vals, des gens qui sont là depuis longtemps. Pour eux, tout s’écroule. On n’est pas dans le Sud, où les magasins connaissent un turn-over important », analyse Christophe Romeuf, délégué CGT.

L’enseigne locale fait partie des 57 qui passeront sous la bannière des Mousquetaires (spécialisée dans de plus petites surfaces) d’ici la fin du mois de septembre (puis 62 supplémentaires dans les trois ans à venir, soit un total de 119). L’endettement du groupe de Jean-Charles Naouri est mis en avant pour expliquer cette cession.

« Moi, un ancien de Rallye, je sais ce que c’est qu’être racheté »

Il y a bientôt quatre ans, on parlait déjà d’une cession d’actifs à Leclerc, destinée à éponger les dettes, que le magasin de Vals pourrait en faire partie, mais celui-ci échappa à la vague.

L’hypermarché Géant était devenu « Casino #hyperFrais » à l’automne dernier pour tenter de se relancer en avançant « les produits frais et locaux, la qualité de services », alors que cette qualité, aux yeux de bien des clients et de membres du personnel qui nous confiaient mardi leur amertume, n’avait cessé de se dégrader. À commencer par la généralisation des caisses automatiques « dont les clients ne veulent pas », assure Christophe Romeuf.

En janvier 2020, et sous la pression syndicale, le groupe avait renoncé à ouvrir le dimanche après-midi, mais pas aux caisses automatiques, passage incontournable le dimanche matin. À certaines heures de la journée, en semaine, le nombre de caissiers et caissières s’est réduit comme une peau de chagrin, entraînant « des queues interminables ». À cela s’ajoute une image de « prix chers », dans un contexte de baisse de pouvoir d’achat.

« La direction laissait entendre ces derniers temps que la région ne serait pas touchée, or, il n’en est rien », regrette le délégué CGT, qui constate que les magasins concernés ne sont pas forcément ceux qui connaissent la plus forte baisse de chiffre d’affaires. Celui de Vals était classé aux dernières nouvelles 32e en France sur un peu plus de 60.

« Moi qui suis un ancien de Rallye - je suis rentré en 1988 -, je sais ce que c’est d’être racheté. Et encore dans les années quatre-vingt-dix, le commerce tournait bien ! », remarque Christophe Romeuf.

Un magasin « vieillissant »

Sa collègue, Muriel Muguet de la CFDT, constate elle aussi « le vieillissement » du personnel. Le groupe axant sa politique sur le non-remplacement des départs à la retraite, sur les « réorganisations » et « restructuration », des « mots magiques qu’on nous a servis ces cinq dernières années », lâche avec amertume le représentant de la CGT.

Christophe Romeuf explique encore : « Beaucoup n’ont pas du tout envie de travailler avec le repreneur, mais pour l’heure, les ruptures conventionnelles sont bloquées ». Un nouveau comité central d’entreprise sera tenu jeudi prochain. « Passé l’effet de surprise, dit le représentant de la CGT, il faut s’attendre à ce que la prochaine réunion soit tendue ». Car « des dizaines de questions restent pour l’heure sans réponse ».

Philippe Suc

Source: L'Eveil de la Haute-Loire