La menace Trump pour la démocratie américaine

June 14, 2023
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Les Etats-Unis sont-ils en passe de devenir une « république bananière » ? Des responsables du Parti républicain le clament depuis que Donald Trump accumule les inculpations avec la régularité d’un métronome. Ces mêmes responsables qui se présentaient naguère comme les meilleurs défenseurs de la loi et de l’ordre, comme de la sécurité nationale, dénoncent à qui mieux mieux une instrumentalisation politique de la justice. Elle aurait pour but de disqualifier le candidat actuellement le mieux placé dans la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024.

Les hauts cris républicains constituent de piètres réponses aux faits à l’origine de la dernière comparution en date de Donald Trump, le 13 juin. Qu’on en juge : l’ex-président est accusé non seulement d’avoir conservé illégalement, et sans précaution aucune, des documents « hautement classifiés » après son départ du pouvoir, mais également de s’être opposé opiniâtrement à leur restitution en dépit de multiples rappels à l’ordre.

Le camp républicain s’était montré autrement sourcilleux quand la démocrate Hillary Clinton avait été mise en cause pour avoir conservé des documents confidentiels concernant un serveur privé lorsqu’elle était en poste au département d’Etat (2009-2013). Il était alors de bon ton de promettre la prison à la candidate démocrate à la présidentielle de 2016. La police fédérale avait enquêté sans que personne n’évoque une forfaiture, pour finalement conclure qu’il n’y avait pas matière à poursuites.

Culte de la personnalité

Contrairement aux précédentes affaires visant l’ex-président, qui ont installé une sorte de routine, ces dernières accusations concernent le fonctionnement des institutions américaines. Et mettent en cause l’homme qui avait prêté serment, en prenant ses fonctions de président, de s’en faire le défenseur. Elles touchent donc le cœur d’une démocratie contre laquelle Donald Trump a entrepris un travail de sape pour son seul bénéfice personnel, démontrant sans relâche qu’il n’est en rien un homme d’Etat.

La république bananière, on le voit, est plutôt le projet politique de l’ancien homme d’affaires, qui pose pour principe d’être au-dessus des lois. Avec des accents apocalyptiques, il promet déjà la « vengeance » s’il devait revenir à la Maison Blanche. Engagés dans une sécession à bas bruit, les plus radicalisés de ses partisans légitiment, sans la moindre précaution, le recours à la violence pour protéger celui qui s’est fait un bouclier politique d’un culte de la personnalité entretenu sans vergogne.

S’il reste présumé innocent, Donald Trump, qui plaide non coupable, aura fort à faire pour convaincre de sa bonne foi, selon l’analyse du dossier faite par son ancien attorney général (ministre de la justice), le républicain William Barr. Ce dernier lui était resté loyal jusqu’à sa tentative de remettre en cause sa défaite en 2020.

Ces voix républicaines imperméables aux passions tristes dans lesquelles s’enlise une bonne partie du camp conservateur restent trop rares face à une base galvanisée par une presse d’opinion qui méprise l’intérêt général. On pouvait penser que les Etats-Unis avaient surmonté la plus grave crise politique depuis la guerre civile (1861-1865) lorsque la force était restée à la loi le 6 janvier 2021, jour de l’assaut conduit par des trumpistes ivres de rage contre le Capitole. La nouvelle guerre de Donald Trump contre la justice de son pays montre que le péril reste, hélas, entier.

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Le Monde

Source: Le Monde