Mort de Treat Williams, l’inoubliable hippie de “Hair”
Le comédien américain est mort ce 12 juin à 71 ans. Gravée dans notre mémoire, sa performance explosive dans la comédie musicale de Milos Forman incarne à jamais une liberté aussi irrévérencieuse que réjouissante.
Treat Williams dans “Hair”, de Milos Forman (1979). Photo Mary Evans / Aurimages
Par Valérie Lehoux Partage
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Pour nous, il restera l’homme d’un rôle (1) : celui de George Berger, hippie chevelu et pacifique (forcément), héros charismatique et dansant de Hair. Sorti en 1979, adaptation d’une pièce du même nom créée une dizaine d’années plus tôt (2), le film musical de Milos Forman nous plongeait au cœur d’une jeunesse américaine déchirée entre la guerre, qu’on l’appelait à faire au Vietnam, et la résistance douce du « peace and love ». Une contre-culture alors en plein essor, incarnée à l’écran par cet homme-là, Treat Williams. Explosant de vigueur, d’audace et d’une joie de vivre subversive dans plusieurs scènes inoubliables, à commencer par celle qui ouvre le film, une course folle à Central Park au cours de laquelle il rencontrera l’autre protagoniste : Claude (joué par John Savage), jeune fermier de l’Oklahoma. Un garçon poli et propre sur lui, sur le point de partir combattre sous les drapeaux. Sa vision du monde sera chamboulée par son immersion inattendue au sein du groupe multicolore mené par Berger. La vision des spectateurs en sera tout autant bousculée.
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Scène d’anthologie : les deux hommes s’invitent au milieu d’une fête aussi chic que compassée… et le hippie gonflé, chemise en jean pas repassée et largement échancrée, transformera la longue table du repas en une scène de spectacle improvisée. La caméra de Milos Forman n’aurait pas seule gravé ce moment dans l’histoire du septième art, sans la présence à la fois physique et gracieuse de Treat Williams, comédien mais aussi danseur et chanteur – il avait débuté sur les planches avant de travailler pour le cinéma. Et voici que, soudain, le déhanchement inspiré d’un hippie de fiction sur une table joliment dressée à laquelle il n’était pas convié renversait les codes sociaux. Et marquait l’irruption d’une liberté sans entrave dans le monde de grands bourgeois que, par extension, on pouvait comparer au fonctionnement d’une société encore largement conservatrice. La performance de Treat Williams nous apportait de l’air.
La scène finale, à l’inverse, nous serra la gorge ; et à chaque visionnage, même quarante ans plus tard, la même émotion refait surface. Sans tout révéler de l’intrigue à ceux qui ne l’auraient pas vue, on dira juste que l’ère du peace and love s’y referme en même temps que le film… Scène doublement tragique, avec en fond, l’iconique chanson de Hair, Let the Sunshine In (3). Le visage de Treat Williams y perd sa joie de vivre, et s’ancre à jamais dans la mythologie d’une comédie musicale éminemment politique qui dit beaucoup de l’époque. L’élan de liberté rentrerait ensuite dans le rang, et l’avenir marcherait au pas. Sur l’ultime plan de Hair, tous les personnages majeurs sont là, sauf Berger. Silhouette avalée par la machinerie guerrière.
Le comédien est mort ce lundi, des suites d’un accident de moto. Il avait 71 ans.
1 Treat Williams avait tourné une centaine de rôles, la plupart mineurs. À l’exception de celui George Berger dans Hair, les plus marquants auront été dans Le Prince de New York ou la série Everwood.
2 Signée James Rado et Gerome Ragni pour les textes, Galt McDermot pour la musique.
3 Créée pour la comédie musicale initiale, elle fut adaptée en français, de même que le spectacle, et interprété par un Julien Clerc débutant en 1970.
Source: Télérama.fr