Visite de Mohammed ben Salmane en France : l'opération séduction du prince héritier saoudien
Le monde est à nous Isabelle Labeyrie et rédaction internationale Du lundi au vendredi à 6h53 et 8h24, le samedi et le dimanche à 6h24, 7h54 et 9h54
Le prince héritier saoudien est en France pour une dizaine de jours. Un voyage exceptionnellement long pour cet ancien paria devenu dirigeant incontournable.
En super VRP d'un royaume en pleine mutation, "MBS" vient d'abord "vendre" l'Arabie saoudite. L'influent prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, est arrivé en France mercredi 14 juin, accompagné d'une grosse délégation de ministres et d'officiels. Il ira notamment au salon du Bourget présenter Riyad Air, la nouvelle compagnie nationale qui doit desservir une centaine de destinations à travers le monde – et ambitionne de devenir la plus importante de tout le Moyen-Orient.
Objectif 2030
L'homme à l'inamovible keffieh rouge et blanc, qui était déjà à l'Élysée en juillet l'an dernier (visite qui avait été très controversée), vient aussi faire du lobbying pour obtenir l'exposition universelle de 2030, qui lui permettrait de parachever son vaste plan de modernisation économique et sociale, "Vision 2030". Le vote n'a lieu qu'en novembre, mais le comité qui gère les attributions siège à Paris. Et MBS n'imagine pas voir cet événement planétaire lui échapper.
Le prince a pourtant déjà pas mal de trophées, notamment dans le domaine sportif : le rallye Dakar, un Grand Prix de formule 1, un tournoi de golf, un championnat de football dans lequel évoluent Cristiano Ronaldo, Karim Benzema – et peut-être demain Neymar. Mais il y a aussi ces concerts électro qui attirent les DJ européens. Ces tournois d'échecs qui rassemblent les meilleurs joueurs mondiaux, sans oublier des projets touristiques surdimensionnés comme Alula, ou futuristes comme Neom et The Line.
Du sang sur les mains
Et MBS ne lésine ni sur le "softpower", ni sur les coups marketing pour donner une image progressiste de son royaume et rompre avec ses archaïsmes socio-religieux. Surtout pour faire oublier le sang qu'il a sur les mains : celui du journaliste Djamal Khashoggi assassiné en 2018 dans des conditions particulièrement atroces, celui des Yéménites victimes d'une guerre dans laquelle il s'est engagé il y a huit ans, ou celui encore des détenus exécutés lors de décapitations collectives.
Et pourtant, on ne peut plus faire sans lui. C'est là tout le cynisme – ou tout le réalisme – des relations diplomatiques. MBS, c'est celui qui reçoit le président ukrainien Zelensky tout en parlant aux Russes. Celui qui s’émancipe de ses alliés traditionnels – Américains et Européens – pour se tourner vers la Chine. Mais s'il est devenu incontournable, c'est aussi parce que l'avenir ne se fera pas sans lui. Il n'est pas encore roi... Mais quand il montera sur le trône à la mort de son père, il peut espérer régner au moins trente ou quarante ans.
Source: franceinfo