Contre l'inflation, la BCE remonte ses taux à leur plus haut niveau en 22 ans

June 15, 2023
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Par Guillaume Benoit

Publié le 15 juin 2023 à 14:21 Mis à jour le 15 juin 2023 à 15:00

Pas de pause dans l'ascension des taux de la banque centrale européenne. L'institution de Francfort a procédé à un nouveau relèvement de ses taux directeurs - le huitième d'affilée - d'une ampleur d'un quart de point. Le taux de dépôt est passé à 3,5 %, le taux de refinancement à 4 % et celui de la facilité de prêt marginal à 4,25 %. Le taux de dépôt évolue désormais à son plus haut niveau depuis mai 2001.

Cette décision était attendue. Tous les membres du Conseil des gouverneurs s'étant récemment exprimés, y compris les plus modérés, avaient laissé entendre qu'il aurait un tour de vis de 25 points de base. A commencer par la présidente de l'institution Christine Lagarde.

Pressions inflationnistes

Certes l'inflation globale a bien décéléré en mai . Mais la Française a encore martelé devant les députés européens qu'il n'y avait pas de signes clairs que l'inflation sous jacente (hors prix de l'énergie et de l'alimentation) avait atteint son pic. Elle s'est inquiétée notamment des pressions inflationnistes provoquées par les hausses de salaires.

La BCE a d'ailleurs publié ses nouvelles projections économiques. Dans l'ensemble, elles confirment les prévisions de mars dernier. Mais les anticipations d'inflation sous jacente ont été revues à la hausse pour 2023 et 2024.

Celles portant sur la croissance européenne ont été rabaissées, pour prendre en compte notamment le fait que la zone euro est entrée en légère récession. Un signe que le resserrement monétaire commence à porter ses fruits, tout comme la contraction de l'activité des prêts bancaires en zone euro. Cela ne devrait pas faire dévier la BCE.

Une ou deux hausses

Mercredi, après 10 tours de vis consécutifs, la Réserve fédérale américaine a choisi de maintenir le statu quo sur ses taux. Tout en indiquant qu'elle pourrait reprendre les hausses si nécessaire.

Du côté de Francfort, le message sera peut-être moins clair. Lors des dernières réunions, Christine Lagarde a souvent souligné l'étendue du chemin restant à parcourir dans la lutte contre l'inflation. Elle pourrait se contenter de réitérer cette analyse et de rappeler que les décisions seront prises avant tout en fonction des données.

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Mais le débat s'est toutefois amplifié au sein du Conseil des gouverneurs. S'il apparaît que la BCE n'est plus très loin de son taux terminal (celui où elle arrêtera ses hausses), les avis sont partagés sur l'opportunité de procéder à un tour de vis en septembre, après celui qui semble acquis en juillet.

Le fait que la banque centrale relève ses prévisions d'inflations, et la formulation employées dans le discours (détermination à assurer le retour au plus tôt de l'inflation au niveau de l'objectif de 2 % à moyen terme) laissent effet la porte ouverte à plusieurs hausses de taux. « La BCE ne peut pas se permettre de se tromper sur l'inflation, analyse Carsten Brzeski, chez ING. La Banque veut et doit être sûre d'avoir tué le dragon de l'inflation avant d'envisager un changement de politique. »

Fin des réinvestissements

La BCE a également confirmé l'arrêt définitif des réinvestissements dans le cadre de son principal programme d'achat d'actifs (Asset purchase programme ou APP). C'est-à-dire qu'elle laissera les obligations de son portefeuille arriver à maturité sans racheter d'autres titres avec les montants issus de ces remboursements. Déjà elle avait réduit à 15 milliards d'euros son intervention mensuelle sur les marchés au titre des réinvestissements de l'APP. Le retrait de liquidité devrait désormais approcher les 30 milliards par mois.

L'objectif est de dégonfler le bilan de la banque centrale qui a atteint des niveaux stratosphériques (près de 9.000 milliards d'euros) dans le cadre des mesures d'aides à l'économie. Plus que l'arrêt des achats obligataire, c'est le remboursement des TLTRO qui devrait avoir le plus d'impact en termes de réduction du bilan. Les banques vont en effet rembourser pour plus de 500 milliards d'euros de ces prêts de long terme à taux très attrayant le 30 juin prochain.

La BCE n'a pas prévu de prolonger ces TLTRO, ni de proposer de nouvelle source de financement exceptionnelle. Ce qui pourrait poser problème à certains établissements bancaires de petites tailles, notamment en Europe du Sud, qui n'ont pas forcément les dépôts nécessaires pour rembourser l'intégralité de leur dû. Interrogée précédemment, Christine Lagarde avait indiqué que la facilité de refinancement de la BCE - désormais à 4 % - était disponible pour faire face à cette situation. Le communiqué précise toutefois que la banque centrale surveillera les effets de la fin de ces prêts sur sa politique monétaire.

Source: Les Échos