Prison ferme pour deux policiers de Seine-Saint-Denis, accablés par la vidéosurveillance

June 15, 2023
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Confondus par les images de vidéosurveillance d’une épicerie, quatre policiers de Seine-Saint-Denis ont été condamnés jeudi 15 juin pour faux procès-verbaux. Deux d’entre eux l’ont également été à de la prison ferme pour violence.

Le tribunal correctionnel de Bobigny a reconnu les quatre policiers coupables de « faux ou participation à la rédaction de faux procès-verbal ». Pour « violence volontaire en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique », le tribunal a condamné Riahd B. et Loïc P. à respectivement dix-huit mois de prison, dont neuf avec sursis, et à quinze mois, dont huit avec sursis. Deux autres agents, qui n’avaient pas participé aux violences mais ne les avaient pas empêchées, ont été condamnés à six et dix mois d’emprisonnement avec sursis.

En énonçant les condamnations, la juge a souligné la gravité de ces dérives policières pour l’ensemble de la chaîne judiciaire. « Vos écrits sont au fondement des dossiers », a rappelé la magistrate, tançant les quatre hommes lui faisant face. « Il n’est pas possible qu’un procès-verbal, sur lequel la justice va se fonder, ne respecte pas la réalité », a-t-elle insisté.

Les faux procès-verbaux pour « justifier » leur violence

En mai 2019, ces agents de la très controversée compagnie de sécurisation et d’intervention de Seine-Saint-Denis (CSI 93) entreprennent de contrôler les identités de personnes qui improvisent une séance de sport à Saint-Ouen, au nord de Paris. L’intervention dérape rapidement quand l’un des policiers plaque violemment au sol un homme de 39 ans qui est, ensuite, plusieurs fois frappé au visage à coups de poing. Il en sortira avec dix jours d’incapacité totale de travail (ITT).

Pour avoir voulu filmer avec son téléphone la scène dont il était témoin, un jeune de 23 ans reçoit une décharge de Taser. Son téléphone, saisi par les fonctionnaires, n’a pas été retrouvé. Les deux hommes sont interpellés par la CSI 93 et placés plusieurs heures en garde à vue : ces procédures, selon le tribunal, « ne reposaient pas sur un cadre légal ». Dans leurs procès-verbaux, rapporte la juge, les policiers font état d’une « foule hostile », de « grands gestes », de « rébellion ».

Pour le tribunal correctionnel de Bobigny, il y a eu « volonté pour les fonctionnaires d’utiliser ledit procès-verbal pour justifier l’interpellation et éventuellement les incapacités totales de travail des interpellés ». En effet, les écrits des policiers seront rapidement confondus par des vidéos : la scène s’est déroulée en plein dans le champ des caméras de surveillance d’une épicerie. Nulle foule à l’image où, rapporte le tribunal, il est évident que c’est un des membres de la compagnie qui « a pris l’initiative de la violence infligée ».

La distorsion de la réalité sous la plume des agents de la CSI 93 est flagrante, tout comme leurs omissions. Nulle mention, dans leur rapport, de l’usage du pistolet électronique, du téléphone subtilisé par la force, ou encore du sac contenant des sachets d’herbe qu’un agent a lui-même déposé discrètement aux pieds de l’homme qui sera ensuite passé à tabac.

Les deux hommes interpellés à tort n’étaient pas présents au tribunal jeudi. « Il est établi qu’il est très difficile que justice soit rendue, s’il n’y a pas de vidéo », a déploré leur avocate, Raffaëlle Guy, à l’issue de l’audience.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde