Logement social : explosion du nombre de communes qui ne respectent pas leurs objectifs

June 17, 2023
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Le quartier de logements sociaux la Maurelette, à Marseille, le 30 juillet 2020. CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Un des principaux moteurs de la production de logements sociaux en France connaît une sévère baisse de régime : les communes urbaines qui n’atteignent pas le taux de 20 % à 25 % de logements sociaux que leur impose la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) n’ont pas autant comblé leur retard qu’escompté ces trois dernières années. Parmi ces 1 105 communes déficitaires, de 700 à 800 n’ont pas respecté les objectifs qui leur avaient été fixés, contre 550 lors de la période précédente. Seulement 70 % de l’objectif global a été atteint, alors qu’il avait été dépassé durant les années 2017 à 2019, révèle le ministère du logement au Monde.

La baisse des agréments pour créer des logements HLM, constatée au niveau national, a été encore plus marquée dans les communes déjà déficitaires. « Celles-ci concentraient 60 % de la production des logements sociaux lors de la période précédente. Cette fois, elles n’ont contribué qu’à 45 % du total. Il y a donc une forte baisse de la dynamique », analyse-t-on au ministère.

« Construire des logements n’est pas simple, et construire des logements sociaux l’est encore moins, regrette le président de la métropole grenobloise, Christophe Ferrari. Il y a eu la crise sanitaire et les municipales de 2020, avec des habitants qui ne veulent pas de nouvel immeuble devant chez eux. Les coûts du foncier et de la construction ont augmenté, les bailleurs sociaux ont vu leurs ressources diminuer du fait des décisions de l’Etat… Et depuis la suppression de la taxe d’habitation, il n’y a plus de carotte financière pour les maires qui construisent, alors qu’accueillir des habitants nécessite de développer des équipements. »

« Mécanismes de long terme »

La ville de Marseille s’est vu notifier par le préfet qu’environ 2 900 logements sociaux ont été agréés ces trois dernières années, soit environ 38 % des 7 600 prévus. La maire adjointe à l’urbanisme, Mathilde Chaboche, a été contrainte de démissionner. Son collègue chargé de la politique du logement, Patrick Amico, fait valoir les mêmes freins que Christophe Ferrari, et ajoute que la coalition de gauche dont il fait partie n’a été élue qu’en 2020 : « Le temps de l’immobilier n’est pas le temps de la politique. On ne peut pas inventer du foncier constructible à prix correct en deux ou trois ans si rien n’a été fait auparavant. Ce sont des mécanismes de long terme. »

Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, qui fédère les organismes HLM, décrit une situation contrastée : d’un côté, « des maires se font élire en s’engageant à ne pas respecter la loi, ou prétendent qu’il n’y a pas de foncier disponible tout en continuant de délivrer des permis de construire au privé » ; de l’autre, « des communes comme Paris, pourtant déjà très bâties, ont réussi à rattraper leur retard, grâce à leurs choix financiers, au rachat de bâtiments existants… ». Selon cette ancienne ministre du logement de François Hollande, le décrochage observé s’explique par une moindre implication de l’Etat : « Il y avait, entre 2015 et 2017, un délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, qui allait annoncer aux maires la cession de fonciers publics. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, une distance s’est créée, la tendance positive s’est étiolée. L’application de la loi SRU fonctionne si le gouvernement mobilise les préfets, s’il y a des sanctions, mais aussi des moyens pour soutenir les maires. »

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Source: Le Monde