Parentologie : " Papa, mais j’ai trop la honte avec mon Nokia "

June 17, 2023
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PHILIPPE DE KEMMETER

Si mon fils cadet a des batailles (essentiellement organisées à base de Playmobil), mon fils aîné a désormais des combats. Après s’être battu pour que nous l’autorisions à jouer au jeu vidéo Fortnite (ce qui a conduit à la rédaction d’une charte contractuelle dont les termes ne sont jamais véritablement respectés), il s’est attaqué, fort de sa précédente victoire, à un nouveau dossier d’envergure : l’obtention d’un téléphone portable. L’entrée au collège fut le déclencheur de ce désir naissant, vite devenu une évidence autoproclamée à mesure que septembre approchait : rentrée scolaire = accès illimité à la téléphonie mobile.

Pour qui n’a jamais été confronté à ce type d’aspiration dévorante, on imagine difficilement le genre de dilemme qu’elle peut générer dans l’esprit du parent, lequel se trouve tiraillé entre deux visions extrêmes de l’avenir sous influence numérique.

D’un côté, l’image de son petit oisillon quittant le nid dans la brume du matin et se rendant seul au collège, cible potentielle des pédophiles errants et des pare-chocs malveillants ; dans ce cas précis, le téléphone portable servira à rassurer l’adulte, qui pourra contacter son enfant pour savoir où (et dans quel état) il se trouve.

A l’autre bout du spectre pointe le scénario angoissant d’un enfant perpétuellement arrimé à son écran, qui fait craindre au parent de participer à « la fabrique du crétin digital », pour reprendre le titre d’un célèbre livre de Michel Desmurget. Dans cet ouvrage, paru en 2019 au Seuil, le spécialiste en neurosciences estimait à 1 700 heures pour un écolier et 2 400 heures pour un collégien le temps passé chaque année devant les écrans. Soyons clairs, ces chiffres ne s’orientent pas vers la décrue. Selon une étude menée par Ipsos, l’Observatoire de la parentalité et l’Union nationale des associations familiales, 53 % des enfants ont augmenté leur consommation d’écran depuis la pandémie.

Un phone « pas smart »

Parmi les supports dont l’usage a le plus augmenté depuis 2019 figurent la tablette (+ 23 %) et, sans surprise, le smartphone (+ 11 %), que posséderaient 46 % des 6-10 ans, d’après une étude Toluna-Harris Interactive pour E-Enfance.

« Concernant les écrans à usage récréatif, écrit Michel Desmurget, la recherche met en lumière une longue liste d’influences délétères, tant chez l’enfant que chez l’adolescent. Tous les piliers du développement sont affectés, depuis le somatique, à savoir le corps (avec des effets, par exemple, sur l’obésité ou la maturation cardio-vasculaire), jusqu’à l’émotionnel (par exemple, l’agressivité ou la dépression), en passant par le cognitif, autrement dit l’intellectuel (par exemple, le langage ou la concentration) ; autant d’atteintes qui, assurément, ne laissent pas indemne la réussite scolaire. »

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Source: Le Monde