Lyon-Turin : les opposants à la ligne ferroviaire grande vitesse manifestent malgré l’interdiction

June 17, 2023
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Des manifestants se rassemblent contre la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin, à La Chapelle, dans la vallée de la Maurienne (Savoie), le 17 juin 2023. OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

La grande manifestation contre la ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin a été maintenue, samedi 17 juin, dans la vallée de la Maurienne (Savoie), au départ du camp de base situé hors de la zone d’interdiction tracée par les autorités.

Quelque 2 000 militants, selon les estimations des autorités, ont commencé à défiler dans la vallée à l’appel d’une dizaine d’organisations, dont les Soulèvements de la Terre, menacée de dissolution par le ministère de l’intérieur, et les No TAV italiens, pour protester contre ce chantier « pharaonique » jugé « néfaste » pour l’environnement, la biodiversité et les ressources en eau.

« Nous sommes tous des écoterroristes », crient certains, tandis que les troupeaux de vaches regardent passer le défilé coloré par de nombreuses tenues bleues – le dress code de la manifestation, avec des drapeaux et des banderoles « La montagne se soulève ». Certains sont cagoulés de noirs, d’autres portent des casques, des raquettes ou des parapluies – utiles contre les drones, les fumigènes ou les assauts des forces de l’ordre.

« Aujourd’hui c’est un moment historique dans cette vallée (…) il y a énormément de monde venu de toute la France, de l’Italie, voire même de Suisse », se réjouit Philippe Delhomme, ancien élu local qui milite depuis des années au sein de l’association Vivre et agir en Maurienne.

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Forte présence policière

« On est très content de cette mobilisation qui a été un pari difficile à tenir (…), nous ne nous laisserons pas intimider (…), c’est ici qu’il y a l’avenir et pas dans un projet mortifère et complètement dépassé par l’histoire », a souligné Lorenzo, du mouvement italien No TAV, mobilisé depuis des années contre le projet piloté par Bruxelles.

Des manifestants se rassemblent dans un champ lors d’une manifestation contre la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin, à La Chapelle, près de Modane, dans la vallée de la Maurienne, le 17 juin 2023. OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Installés dans les prés, sur un terrain prêté par la commune de La Chapelle, les campeurs, dont beaucoup de jeunes, se sont réveillés samedi sous la surveillance d’un hélicoptère de la gendarmerie. Quelque 2 000 policiers et gendarmes ont été déployés dans cette vallée frontalière de l’Italie, célèbre pour ses grandes stations de ski.

L’arrêté d’interdiction pris par la préfecture de Savoie a été confirmé pour des raisons de sécurité par le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté vendredi soir une requête déposée par les Verts (Europe Ecologie-Les Verts, EELV), ATTAC Savoie et Vivre et agir en Maurienne.

Des élus ont cependant fait le déplacement pour les prises de paroles, dont le maire EELV de Grenoble Eric Piolle, la présidente des députés « insoumis » Mathilde Panot ou la députée (EELV) de l’Isère Cyrielle Chatelain. « La manifestation a été interdite sur un périmètre, nous irons manifester ailleurs », a précisé dans un tweet le maire de Grenoble.

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Les forces de l’ordre, qui attendent jusqu’à 5 000 militants dont quelque « 400 éléments radicaux », redoutent surtout des actions coups de poing de petits groupes réfractaires, selon une source policière. Une trentaine « d’étrangers sous interdiction administrative du territoire ont été interpellés et remis aux Italiens » , selon la même source.

Coût évalué à plus de 26 milliards d’euros

« C’est quand même assez scandaleux, drôle que l’Etat et le gouvernement décident de s’attaquer à un mouvement, à des militants écologistes, à des paysans, à des syndicats alors qu’aujourd’hui il faudrait vraiment s’attaquer à toutes les industries, à tous ceux qui détruisent le vivant, qui sont en train de nous faire crever de chaud », a souligné Pina, la porte-parole des Soulèvements de la Terre, lors des prises de parole.

« Les promoteurs de ces grands travaux dévastateurs peuvent se rencontrer comme ils veulent, à nos frais, en mangeant des tartines et en buvant du champagne, alors que les opposants ne peuvent pas manifester leur mécontentement », a renchéri Lorenzo des No TAV.

Soutenue par l’Union européenne, la nouvelle ligne doit à terme relier Lyon et Turin, avec 70 % des voies en France et 30 % en Italie et un tunnel de 57,5 kilomètres traversant les Alpes entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse. Coût évalué : plus de 26 milliards d’euros.

Pour le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, « on est face à la contradiction absolue des militants écologistes extrémistes. Ils veulent soi-disant sauver la planète mais ils ne veulent pas se donner les moyens : on ne sauvera pas la planète en faisant de la décroissance », a-t-il commenté vendredi matin sur BFM-TV/RMC.

Les partisans du projet mettent en avant la nécessité de réduire le flux de poids lourds, en constante augmentation, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ils invoquent aussi le développement économique que permettra selon eux une ligne ferroviaire plus rapide.

Les opposants, eux, font valoir qu’une ligne existe déjà et que le fret ferroviaire n’a cessé de baisser ces dernières années. Ils dénoncent aussi les impacts écologiques de ce chantier « ferroviaire titanesque, impliquant le forage de 260 kilomètres de galeries à travers les massifs alpins ». Selon eux, les travaux ont déjà tari plusieurs sources et captages dans la vallée.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde