En Serbie, Aleksandar Vucic, un président fragilisé par plusieurs semaines de contestation

June 17, 2023
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Le président serbe, Aleksandar Vucic, à Ohrid (Macédoine), le 18 mars 2023. ARMEND NIMANI / AFP

Pour la septième fois depuis début mai, des dizaines de milliers de Serbes sont attendus dans les rues de Belgrade, samedi 17 juin, pour protester contre leur président. Au pouvoir depuis 2014 comme premier ministre, puis chef de l’Etat, Aleksandar Vucic, 53 ans, fait face à un mouvement de contestation d’une ampleur et d’une durée inédites. Les manifestants l’accusent de promouvoir une « atmosphère de violence », qui aurait indirectement provoqué deux tueries survenues début mai.

Ce double drame qui a fait dix-huit morts – parmi lesquels neuf enfants, assassinés par un camarade de classe dans leur école de la capitale –, a laissé ce pays des Balkans sous le choc. Chez une partie des 6,7 millions de Serbes, l’émotion s’est transformée en une colère qui ne retombe pas.

« Ils manifestent pour stopper cette violence qui fait partie de notre société », explique ainsi Dragan Djilas, le président du Parti de la liberté et de la justice (social-démocrate), qui coorganise les manifestations avec d’autres mouvements de l’opposition dite proeuropéenne – même si des éléments de l’extrême droite prorusse y sont aussi régulièrement présents. « Dans la rue, il y a beaucoup de jeunes, de professeurs, d’artistes qui veulent enfin une vie normale et que la Serbie se concentre sur son chemin européen. »

Fatigués de voir leur pays obnubilé par les guerres d’ex-Yougoslavie (1991-1999) et pénétré par une mafia surarmée, ces Serbes comparent, avec audace, leur mouvement aux manifestations qui ont mené à la chute du dictateur Slobodan Milosevic, en 2000. Nommé « La Serbie contre la violence », le mouvement a une longue liste de revendications, parmi lesquelles, notamment, la démission du ministre de l’intérieur et celle du chef des services de renseignement ; mais, plus largement, les manifestants veulent en finir avec l’apologie de la violence présente dans les nombreux organes de propagande du pouvoir. Réélu triomphalement en avril 2022 avec plus de 60 % des voix, M. Vucic a certes promis de « désarmer quasi totalement » les Serbes face à l’ampleur de la circulation des armes à feu, mais les manifestants ne lui font pas confiance.

Liens troubles avec des clans mafieux

Maître en louvoiement, M. Vucic n’arrive plus à cacher ses contradictions. Ancien ministre de l’information de Milosevic, il a pris le pouvoir en 2014 en promettant de mener son pays vers l’Union européenne, mais il a gardé des liens étroits avec la Chine et la Russie. Derrière une allure débonnaire et ouverte, il n’a jamais vraiment pris non plus ses distances avec ceux qui font l’apologie des criminels de guerre serbes, et ne s’est jamais expliqué sur ses liens troubles avec des clans mafieux. Il domine toujours la vie politique grâce à son contrôle du paysage audiovisuel, où il s’invite régulièrement pour de longues interventions. Selon l’ONG CRTA, le président a mené pas moins de 300 allocutions télévisées en un an.

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Source: Le Monde