Sophie Marceau : " Si je n’avais pas su me défendre, il me serait arrivé beaucoup de choses "
Entretien« Je ne serais pas arrivée là si… » Chaque semaine, « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. L’actrice préférée des Français revient sur son adolescence bousculée puis sauvée par son ancrage profond dans la réalité.
Le succès à l’âge de 14 ans, avec La Boum (1980), un statut inégalé d’actrice française la plus populaire, une cinquantaine de films, une aura internationale, deux livres dont ce recueil de nouvelles, La Souterraine (Seghers, 160 pages, 17 euros), qu’elle vient de publier. Et, pourtant, Sophie Marceau, 56 ans, a une personnalité qui la distingue, celle d’une petite fille issue d’un milieu modeste devenue star sans perdre la tête.
Je ne serais pas arrivée là si…
… Si je n’avais pas voulu absolument travailler à l’âge de 12 ans. Je voulais gagner un peu d’argent, mais surtout être autonome. J’ai toujours pensé que c’était à travers le travail que l’on se réalisait, cela avait une place très importante dans ma famille. Le monde des adultes, à mes yeux, était le monde du travail et j’avais envie d’être adulte.
Rêviez-vous d’un travail précis ? Aviez-vous une vocation particulière ?
Non, pas du tout. Pour moi, on apprenait en faisant. Je viens d’un monde ouvrier, donc je n’avais pas l’idée que l’on pouvait faire des études. D’ailleurs, je n’étais pas scolaire, je ne savais pas lire les énoncés… mais je sais m’adapter, imiter les faits et gestes nécessaires.
Vos parents n’avaient-ils pas non plus de projets pour vous ?
Ils voulaient que j’aie un métier, une famille, que je sois quelqu’un de responsable, mais ils n’avaient ni les codes ni les moyens de me faire faire d’études. Ce n’était pas un problème pour autant : il y a toujours une façon de se débrouiller dans la vie.
C’est assez rare de répondre de façon aussi prosaïque à cette question. On évoque plus facilement un talent, une éducation, un mentor…
Oui, je l’imagine bien. Mais c’est aussi parce que l’on fait peur aux gens avec la façon dont on parle de la vie active. On présente aujourd’hui le travail comme une servitude plutôt que comme un accomplissement. Le monde du travail s’est dépersonnalisé, mais, à l’époque, ce que j’en voyais avec mes parents était assez concret. On savait qui était son patron, on était connecté. Le monde du cinéma aussi est devenu plus impersonnel. On ne sait plus très bien qui produit, qui décide, on n’est plus qu’un pion. Je n’avais pas ce sentiment avant. Peut-être était-ce une illusion, mais je pensais que travailler, c’était être considéré.
A 12 ans, quel travail pouviez-vous trouver ?
Je suis allée dans les magasins, sur les marchés, je suis d’une génération où on pouvait commencer à travailler à 13 ans. Ma mère a vu une annonce dans un journal pour une agence de mannequins enfants. Et on y est allées, la semaine suivante.
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Source: Le Monde