Guerre en Ukraine : au Louvre, ces rares œuvres d’art ont été acheminées de Kiev sous escorte militaire

June 18, 2023
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GUERRE EN UKRAINE - Elles ont traversé trois pays sous escorte militaire pour échapper à la menace de l’armée russe. Cinq icônes byzantines du musée Khanenko de Kiev, envoyées en France parmi un total de seize œuvres d’art, sont exceptionnellement exposées au musée du Louvre à Paris depuis mercredi 14 juin.

Ces œuvres rarissimes, exfiltrées à la demande de l’Ukraine, ont été acheminées dans le plus grand secret au mois de mai pour éviter leur destruction sous les bombardements. Un symbole de la collaboration franco ukrainienne pour la préservation du patrimoine, lui aussi durement touché par la guerre.

« [Les œuvres] ont quitté le musée Khanenko le 10 mai pour arriver au Louvre le 15 mai, en passant par la Pologne et l’Allemagne sous escorte militaire, a expliqué Maximilien Durand, le directeur du département des arts de Byzance du Louvre, à nos confrères de franceinfo. C’est une opération de grande ampleur qui a nécessité beaucoup de prudence, de discrétion et de soin aussi. »

Un secret bien préservé

L’opération a été validée au mois de février par la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, alors en déplacement à Kiev. D’après le Monde, elle a été financée à hauteur de 251 000 euros par l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), une fondation suisse qui assure avoir distribué près de 4 millions de dollars pour la protection de plus de 260 organisations culturelles ukrainiennes.

Ce support financier de l’Alliance a permis le déploiement de moyens exceptionnels. « Tout au long du voyage, le personnel du musée Khanenko est resté avec les objets d’arts dans des boîtes à température contrôlée, construites sur mesure pour leur acheminent », précise notamment l’ALIPH au HuffPost.

Si le musée Khanenko et le Louvre ont tant cultivé le secret, « c’est avant tout pour permettre le déploiement d’opérations similaires dans le futur », nous souffle-t-on au sein du musée parisien. Pour leur protection, de nombreuses œuvres ukrainiennes ont en effet été transférées dans des musées européens depuis le début du conflit, comme au Rath de Genève ou au Prado, à Madrid.

À chaque fois, c’est leur caractère exceptionnel qui détermine la nécessité d’agir. Parmi les seize œuvres ukrainiennes désormais exposées à Paris figurent en effet quatre icônes du VIe et VIIe siècle provenant du monastère de Sainte-Catherine sur le Mont Sinaï (Égypte), ainsi qu’une icône constantinopolitaine de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle, représentant Saint-Nicolas.

De véritables joyaux historiques, qui remontent aux origines mêmes de l’art de l’icône et qu’il était donc primordial pour le musée Khanenko de préserver, notamment car la plupart a été détruite lors de la crise iconoclaste du VIIIe siècle. « Il en reste très très peu, une dizaine seulement dans le monde. Ce sont des chefs-d’œuvre du patrimoine de l’humanité », assure-t-on au Louvre qui qualifie ces oeuvres de « Joconde ukrainienne ».

Les onze autres œuvres envoyées en France, qui comptent « parmi les plus emblématiques et les plus fragiles » du musée ukrainien, seront quant à elles hébergées dans les réserves, détaille le Louvre.

Déjà 35 musées endommagés ou détruits

Magré leur transfert dans les réserves sécurisées du musée de Khanenko, ces bijoux de l’art orthodoxes, menacés par les coupures d’électricité et les variations de températures, n’étaient plus en sécurité en Ukraine. Depuis le début de l’invasion russe, l’Unesco a identifié 240 sites culturels endommagés dans le pays. Un chiffre revu à la hausse par le ministère ukrainien de la Culture, qui estime à 458 le nombre de sites abîmés ou détruits par les Russes, dont 35 musées.

Début octobre 2022, un tir de roquette de l’armée russe avait particulièrement marqué les esprits des amoureux du patrimoine ukrainien. Tombé à une dizaine de mètres du musée Khanenko, le projectile avait soufflé les fenêtres du bâtiment, dont la plupart des œuvres avaient heureusement été mises à l’abri. C’est cette même explosion qui a enclenché l’opération d’exfiltration des œuvres ukrainiennes vers Paris.

L’exposition, intitulée « Aux origines de l’image sacrée. Icônes du musée national des arts Bohdan et Varvara Khanenko de Kyiv », sera exposée jusqu’au 6 novembre. À l’issue de l’exposition, les œuvres seront conservées dans le centre de conservation du Louvre à Liévin, dans le Pas-de-Calais, où elles feront l’objet d’analyses et d’études approfondies en attendant la fin de la guerre.

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Source: Le HuffPost