Poutine menace d’expulser les Ukrainiens des régions annexées par Moscou
Le président russe, Vladimir Poutine, le 27 avril 2023. MIKHAIL KLIMENTYEV / AP
L’oukase, signé jeudi 27 avril par Vladimir Poutine, est aussi inattendu que brutal : en vertu de ce décret, les habitants des territoires ukrainiens nouvellement annexés pourront être expulsés de chez eux s’ils ne prennent pas la nationalité russe. Dans le détail, les détenteurs de passeports ukrainiens devront avoir reçu un passeport russe avant le 1er juillet 2024. Ceux qui refuseront seront considérés comme des étrangers, et expulsables.
La mesure concerne les habitants de Crimée, annexée en 2014, mais aussi des zones tenues par l’armée russe dans les régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson, annexées à leur tour en septembre 2022. Il y a là une escalade : après la prise de la péninsule criméenne, Moscou n’avait pas franchi ce pas – conserver uniquement un passeport ukrainien relevait certes du parcours du combattant mais restait formellement possible.
Avant même l’échéance de juillet 2024, cet oukase devrait avoir pour effet d’accélérer la distribution des passeports russes. Selon les données officielles, sujettes à caution, 966 000 personnes ont reçu la citoyenneté russe dans les régions de Donetsk et Louhansk, mais la campagne de « passeportisation » y est menée depuis 2014, sur le modèle de la politique pratiquée depuis des années dans les territoires séparatistes contrôlés par Moscou en Géorgie et en Moldavie.
Citoyens de seconde zone
A Zaporijia et Kherson, où cette politique a débuté à l’été 2022, les chiffres sont plus modestes : respectivement 130 000 et 96 000 passeports distribués, sur une population dont le nombre est extrêmement difficile à évaluer, en raison des nombreux départs qui ont accompagné l’invasion de l’armée russe.
Pour autant, ces nouveaux citoyens resteront des citoyens de seconde zone. Une nouvelle « loi sur la citoyenneté », adoptée le 18 avril par la Douma, la chambre basse du Parlement russe, prévoit que les Russes dont la nationalité a été « acquise » peuvent perdre celle-ci s’ils se rendent coupables de différentes violations du code pénal, y compris la « discréditation de l’armée russe ».
Jusqu’à présent, les tribunaux étaient obligés d’improviser : en septembre 2022, par exemple, le militant écologiste et antiguerre Archak Makitchian s’est vu retirer sa nationalité russe – alors qu’il n’en possède plus aucune autre – au motif que les documents fournis dix-huit ans plus tôt étaient inexacts.
Vladimir Poutine a apposé, vendredi, sa signature à cette loi qui contredit de manière évidente la Constitution de la Fédération de Russie, laquelle précise que les citoyens sont égaux devant la loi, « quelle que soit la manière dont ils ont acquis la nationalité russe ». Un autre article de ce texte prévoit par ailleurs que les Russes disposant d’une seconde nationalité ou d’un titre de séjour étranger pourront voir leurs droits « limités », sans autre précision.
Il vous reste 33.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source: Le Monde