" Brigitte Bardot. L’insoumise ", sur Canal+ Docs : Mireille Dumas réussit le portrait intime d’un mythe, tout en paradoxes
Photo issue du documentaire « Brigitte Bardot. L’insoumise », de Mireille Dumas. 2022 MD PRODUCTIONS
CANAL+ DOCS – LUNDI 19 JUIN À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE
Dès que Brigitte Bardot paraît à l’écran, piquante, insolente, dans le making of peu vu de Babette s’en va-t-en guerre (Christian Jaque, 1959), toutes celles qui, depuis, ont tenté de lui ressembler se trouvent reléguées au rang de pâles copies. Sans parler de la scène de la danse, dans Et Dieu… créa la femme (Roger Vadim, 1956), devant un Jean-Louis Trintignant liquéfié de désir.
« BB » est unique, qu’on l’aime ou non, et le reste, un demi-siècle plus tard, lorsqu’on la retrouve dans sa maison de Saint-Tropez (Var), face à la journaliste Mireille Dumas. Nous sommes en 2006. La présentatrice de « Vie privée, vie publique », sur France 3, vient alors de décrocher un entretien exceptionnel, qui reste la dernière apparition filmée de BB dans son intimité, à La Madrague.
Aujourd’hui réalisatrice (dont l’excellent Des ordures et des hommes, en 2019), Mireille Dumas a décidé de se replonger dans les rushes de cette interview d’une heure trente, dont quarante minutes seulement ont été diffusées à l’époque, pour en extraire la matière première d’un documentaire, enrichi de multiples extraits de films, de journaux et d’émissions. Parmi les témoignages, les propos de Claude Autan-Lara à la sortie d’En cas de malheur (1958) pour défendre l’actrice : « Elle a le premier des talents : elle est belle. »
Point de bascule
C’est évidemment l’entretien de 2006 qui porte le film. Maquillée, des fleurs piquées dans les cheveux remontés, la septuagénaire n’a aucun tabou. Que ce soit sur la vieillesse, sur la mort, sur la maternité qu’elle n’assume pas ; sur ses maris et ses amants ; sur ses tentatives de suicide : « Le suicide c’est l’impossibilité de vivre les cinq prochaines minutes. »
La réalisatrice s’intéresse au point de bascule, lorsque la star a choisi de tout plaquer à 39 ans pour mettre sa notoriété au service de la cause animale, quitte à être insultée, menacée – « Elle est difficile ma vie. Elle m’a gâtée, mais plus vous avez, plus vous payez. » Les images montrent son soutien précoce à Greenpeace mais aussi les encouragements reçus de la part de Marguerite Yourcenar.
Les paradoxes surgissent, à l’évocation du féminisme, entre la femme libre et celle qui ne peut vivre sans l’affection et la protection de l’autre. « Si Bernard [d’Ormale, son quatrième mari] n’était pas à mes côtés, je ne pourrais pas vivre seule. »
Au commentaire, Mireille Dumas contextualise, actualise, mais ne traite que brièvement des polémiques et pas du tout des plus récentes accusations de racisme. « Ce n’était pas le sujet, explique-t-elle au Monde. Ce n’est pas ce que l’on a envie de retenir de Brigitte Bardot. » Qu’a-t-on envie de retenir ? A 88 ans, BB a sa petite idée, qu’elle livre dans un message audio, en conclusion de ce 52 minutes, décidément trop court.
Brigitte Bardot. L’insoumise, de Mireille Dumas (Fr., 2023, 52 min). Suivi, sur Ciné+ Classic, du Mépris, de Jean-Luc Godard (1963).
Source: Le Monde