La journaliste Claude Sarraute, grande plume du " Monde ", est morte

June 20, 2023
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Claude Sarraute, à Paris, en octobre 2001. PHILIPPE MATSAS/OPALE.PHOTO

Que faire quand on a une mère romancière, Nathalie Sarraute (1900-1999), qui sera l’un des phares d’une école littéraire, le Nouveau Roman, et aura, de son vivant, en 1996, sa « Pléiade » ? Sûrement pas devenir sa pâle copie, pensait, avec raison, Claude Sarraute. Comédienne ? Elle s’y essaya, mais elle était, elle aussi, habitée par le désir d’écrire. Alors journaliste. Claude Sarraute a assumé avec panache sa passion pour l’éphémère de ce métier, en sachant qu’elle mourrait sans « Pléiade » et sans faire les gros titres de tous les journaux.

Née le 24 juillet 1927, à Paris, elle est morte dans la nuit de lundi à mardi à son domicile parisien à l’âge de 95 ans, a annoncé son fils Martin Tzara à l’Agence France-Presse. Elle avait déjà fait graver son nom sur sa tombe au cimetière du Montparnasse, au côté de celui de l’essayiste Jean-François Revel (1924-2006). Elle a passé trente-neuf ans avec ce troisième époux, après le journaliste américain Stanley Karnow, puis Christophe Tzara – le fils de Tristan Tzara – avec lequel elle a deux enfants. « Je ne sais rien, il sait tout, disait-elle à propos de Jean-François Revel, avec qui elle a eu un fils et une fille. Il est ravi de m’apprendre. Ma naïveté a toujours fait hurler de rire Revel et les garçons. »

Fausse ingénue

Cette naïveté revendiquée était plutôt une pose, ou une manière de se protéger. Il suffit de lire Claude Sarraute pour s’en convaincre. Elle faisait croire qu’il ne lui restait rien de ses années à l’Ecole alsacienne et à la Sorbonne où elle avait passé une licence d’anglais, ou de la lecture de sa mère, qu’elle admirait. Mais ce n’était pas vrai. Des quarante années qu’elle a passées au Monde, à partir de 1953, on retient généralement son billet quotidien « Sur le vif », en dernière page, de 1983 à 1992. Elle avait auparavant écrit dans la rubrique appelée alors « Spectacles », puis avait tenu une chronique sur la télévision pendant sept ans.

Son fameux billet, qu’elle voulait celui d’une « pipelette », où elle parlait volontiers de son « Mimi » – François Mitterrand – ou de son « Jacquot » – Jacques Chirac –, lesquels n’appréciaient pas toujours ses propos, détonnait dans un journal fier de sa réputation austère. D’ailleurs, quand, en novembre 1983, André Laurens, alors directeur du Monde, proposa « Sur le vif », l’accueil des chefs de service fut glacial.

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Qui peut jurer n’avoir jamais été agacé par les propos à l’emporte-pièce de cette fausse ingénue ? Mais quel journaliste peut ignorer combien il est difficile d’avoir une idée bonne, et drôle, chaque jour, pour un texte qu’on doit rendre impérativement, au plus tard, à 9 h 30 ? Croiser chaque matin Claude Sarraute rue des Italiens – dans l’immeuble historique du Monde – c’était rencontrer une tornade blonde à l’heure où d’autres sont encore un peu endormis. Elle avait pris à l’aube le métro à la station Pont-Marie – près de l’île Saint-Louis où elle habitait avec Revel –, était descendue à Chaussée-d’Antin, avait pris son cachet quotidien de corydrane, un stimulant à base d’aspirine et d’amphétamines – « comme en prenait Sartre, ça me rend plus intelligente » –, avait distribué quelques « chéri », « mon amour » ou « ma puce, t’aurais pas une histoire pour moi ? », et se mettait au travail.

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Source: Le Monde