L'UE veut durcir ses instruments de sécurité économique face à la Chine
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors d'un discours sur les relations entre l'UE et la Chine, le 30mars 2023 à Bruxelles ( AFP / Valeria Mongelli )
Bruxelles a proposé mardi de renforcer l'arsenal de l'Union européenne contre les menaces à sa sécurité économique, notamment en provenance de Chine, annonçant une future "initiative" pour mieux contrôler les investissements des firmes européennes à l'étranger.
"Nous devons nous assurer que les capitaux des entreprises européennes, leur savoir, leur expertise et leurs recherches ne soient pas abusivement utilisés par certains pays pour des applications militaires", a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
"Nous travaillons donc sur la meilleure façon de construire un tel instrument et nous proposerons une initiative avant la fin de l'année", a-t-elle dit, sans plus de précision, lors d'un point de presse.
L'exécutif européen entend également faire une évaluation du mécanisme de contrôle des investissements étrangers entré en vigueur fin 2020, pour éventuellement le renforcer.
Cet outil vise à mieux contrôler les investissements de firmes étrangères dans des secteurs stratégiques en Europe. Mais sa portée est limitée: la Commission n'a pas la possibilité de bloquer un investissement, le dernier mot revenant aux États membres.
La crise du Covid en 2020 a révélé les fragilités des chaînes d'approvisionnement européennes, victimes de la fermeture des frontières en Chine, tandis que la guerre en Ukraine a montré le risque d'une dépendance à la Russie pour les fournitures de gaz.
Ces crises "nous ont ouvert les yeux", a reconnu Mme von der Leyen.
Cette réflexion stratégique ne vise officiellement aucun pays, mais la Chine est clairement ciblée avec son quasi monopole sur les terres rares cruciales pour de nombreuses technologies comme les batteries ou les éoliennes.
"Il est judicieux de diversifier nos chaînes d'approvisionnement en s'éloignant de l'unique route vers la Chine", a déclaré la présidente de la Commission.
La stratégie de sécurité économique sera discutée lors du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement européens les 29 et 30 juin à Bruxelles.
- "Juste équilibre" -
La Commission veut élaborer avec les 27 pays de l'UE un cadre commun pour évaluer les risques qui pourraient affecter l'économie européenne et établir une liste des technologies critiques.
Elle entend aussi mieux contrôler les exportations de biens à double usage, civil et militaire.
La vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager, le 8 juin 2023 à Bruxelles ( AFP / Kenzo TRIBOUILLARD )
De nombreuses mesures ont déjà été adoptées ces dernières années, le sujet de la souveraineté économique ayant gagné en importance, porté notamment par la France face aux partisans traditionnels du libre-échange.
L'Union européenne a ainsi approuvé début juin la création d'un instrument commun visant à punir tout pays utilisant des sanctions économiques pour faire pression sur un de ses membres, comme l'a fait la Chine contre la Lituanie.
La Commission a aussi simplifié l'octroi d'aides d’État à des secteurs stratégiques comme les puces électroniques. Elle a proposé en mars un texte pour sécuriser ses achats de matières premières critiques.
La nouvelle stratégie de l'UE suscite des inquiétudes quant à une tentation protectionniste et recherche un équilibre délicat. "L'ouverture économique et l'intégration au marché mondial sont une force pour l'Europe. Cela ne changera pas à l'avenir, c'est très clair", a tenu à rassurer Mme von der Leyen.
Sa stratégie repose d'ailleurs aussi sur le renforcement du marché intérieur européen. Elle insiste sur le développement de partenariats et le respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Bruxelles veut trouver son propre positionnement à l'égard de Pékin, malgré les pressions exercées par les États-Unis en faveur d'une ligne dure.
"Nous avons besoin d'un plan qui nous permette de résister aux tyrans économiques", mais "si nous nous dissocions complètement de la Chine, l'économie européenne en subira les conséquences", a averti l'eurodéputé conservateur allemand Markus Ferber.
BusinessEurope, la voix du patronat européen, a appelé l'UE à prendre "soigneusement" en considération les intérêts et la compétitivité de l'Europe "avant d'introduire des restrictions supplémentaires sur les exportations de biens et de technologies et sur les flux d'investissement".
"L'UE doit trouver un juste équilibre entre la protection de ses intérêts en matière de sécurité et le maintien d'un environnement propice au commerce et à l'investissement", a exhorté l'organisation.
Partenaire commercial essentiel, la Chine est aussi vue comme un acteur incontournable dans la coopération sur le changement climatique.
Le Premier ministre chinois Li Qiang, en visite à Berlin, a assuré mardi que son pays attachait "une grande importance" aux liens avec l'Union européenne.
Source: Boursorama