Marché : 3M, le fabricant des post-it et du scotch, croule sous les plaintes judiciaires pour ses produits
(BFM Bourse) - La société américaine 3M fait face à plusieurs actions en justice, notamment de la part de plus de 200.000 vétérans de l’armée américaine qui considèrent que des bouchons d’oreilles défectueux ont causé des dégâts auditifs.
C’est une société réputée qui croule désormais sous une montagne de plaintes judiciaires. Le spécialiste des adhésifs 3M, connu pour le scotch ou encore le post-it, se retrouve face à une cascade d’actions en justices dont l’impact pourrait se chiffrer en dizaines de milliards de dollars.
En particulier, l’entreprise est accusée par des centaines de milliers de vétérans de l’armée américaine d’avoir fourni des bouchons d’oreille défectueux, qui auraient ainsi causé des dégâts auditifs. Selon Reuters, qui se base sur des statistiques judiciaires arrêtées au 15 mai, 330.000 plaintes ont été déposées et près de 260.000 affaires sont en cours d’instruction dans ce dossier, qui serait ainsi selon l’agence "le plus important litige multi-district de l’histoire des Etats-Unis".
À lire aussi Retrouvez les prochains détachements de dividende
Ces bouchons d’oreilles ont été fournis du début des années 2000 jusqu’en 2015 par une filiale de 3M, à savoir Aearo Technologies.
Ce qui pourrait coûter très cher à la société américaine. Selon le Wall Street Journal, 3M serait en pourparlers pour tenter de solder ce litige ce qui, selon des analystes cités par le quotidien, pourrait se traduire par une ardoise comprise entre 10 milliards et 15 milliards de dollars.
Dans un communiqué, l'entreprise a indiqué que "les dossiers du Département de la Défense des États-Unis, qui concernent plus de 175.000 plaignants, ont révélé que la grande majorité des plaignants (…) ont une audition normale selon les normes médicales acceptées". Par ailleurs, "toute organisation indépendante et tierce, y compris le Laboratoire de recherche de l'Armée, le Laboratoire de recherche de l'Armée de l'air, le NIOSH (l'Institut national pour la sécurité et la santé au travail, NDLR) et d'autres, ont conclu que le produit était sûr et efficace à utiliser".
Pollution de l'eau des collectivités locales
La facture potentielle de ces litiges est quoi qu'il en soit très importante. Surtout que 3M fait face à d’autres litiges concernant cette fois-ci les PFAS, soit les substances per- et polyfluoroalkylées. Ces composants chimiques sont utilisés dans diverses applications comme des téléphones portables ou des semi-conducteurs, et sont parfois surnommés "polluants éternels". Ils sont utilisés par le groupe pour leurs propriétés antiadhésives et imperméabilisantes.
"Leur toxicité est encore méconnue, mais des effets nocifs et toxiques sur le métabolisme humain ont été observés pour plusieurs PFAS et leur caractère cancérigène est suspecté", explique le site viepublique.fr. 3M a d’ailleurs annoncé en début d’année qu’il comptait arrêter d’ici à la fin de 2025 la production de ces substances.
Plus précisément, 3M est par exemple accusé par la ville de Stuart en Floride d'avoir fabriqué ou vendu des mousses anti-incendie contenant des PFAS qui auraient fini par contaminer l'eau de la collectivité. D'autres municipalités l'accusent aussi d’avoir pollué l’eau potable, les sols, les aliments et provoqué des maladies à cause des PFAS.
Le Wall Street Journal explique que dans le cadre d’un des volets judiciaires ayant les PFAS comme sujet – à savoir la contamination d’eaux potables municipales par ces substances – 3M pourrait payer 10 milliards de dollars, selon les analystes.
Ces potentiels coûts pourraient faire fondre le dividende du groupe (3,4 milliards de dollars en montant l’an passé).
3M sous pression en Bourse
Avec le risque d’écorner davantage l’attrait boursier de la société. Peter Walls, directeur des investissements de Kinroch Capital, a indiqué au Wall Street Journal, que la société d’investissement avait jusqu’à présent maintenu sa participation dans 3M justement parce que la société a pour habitude d’augmenter chaque année son coupon. Le réduire constituerait ainsi un motif pour que le fonds considère une vente de cette participation.
La société américaine génère énormément de cash, avec plus de 6 milliards de dollars de flux de trésorerie opérationnel réalisés l’an passé. Ce qui lui permet donc de relever chaque année son coupon. Mais la scission annoncée de sa division santé (qui représente environ un quart de ses ventes) va par nature réduire ses résultats financiers et donc théoriquement obérer sa capacité à dégager des résultats financiers et du cash. Ce qui amène, donc, certains analystes à penser que l’accroissement annuel du dividende n’est pas soutenable, au vu également des potentiels coûts judiciaires pour la société.
Reste que 3M recevra aussi, selon les calculs de Royal Bank of Canada cités par le Wall Street Journal, un dividende exceptionnel de sa future ex-filiale de 6,7 milliards de dollars dans le cadre de ce projet de scission, et pourra également monétiser le solde de sa participation dans cette filiale (3,2 milliards de dollars).
Pour l’heure, 3M pâtit clairement en Bourse de ces lourdes épées de Damoclès. Son cours plonge de 15% depuis le début de l’année, quand le S&P 500 s’adjuge plus de 13,5%.
Par Julien Marion et Jean-Louis Dell'Oro
Source: BFM Bourse