" Si les conditions météo restent les mêmes, la vague de chaleur marine va s’intensifier " au sud de la Bretagne [Interview]

June 25, 2023
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Thibault Guinaldo est chercheur en océanographie spatiale au Centre d’études en météorologie satellitaire de Lannion, rattaché au Centre national de recherches météorologiques (Météo-France/CNRS). Il revient sur les caractéristiques de la vague de chaleur marine actuelle et sur ce que l’on observe à proximité des côtes françaises.

Thibault Guinaldo : On est sur quelque chose d’exceptionnel. Des données fiables existent depuis 1981, grâce aux mesures satellites, et on n’a jamais vu de tels relevés. Sur tout le bassin de l’Atlantique nord, les anomalies de températures atteignent 1 °C, jusqu’à 5 °C dans certaines zones, notamment près des îles britanniques . C’est assez impressionnant, d’autant que, pour l’instant, on ne voit pas de refroidissement arriver et que nous sommes au début de l’été.

En ce qui concerne les eaux bretonnes, on observe deux situations différentes. La Manche est plutôt préservée grâce à ses forts courants, même si on a vu, l’année dernière, que les températures élevées pouvaient réchauffer certaines zones. Au sud, en revanche, le golfe de Gascogne a davantage tendance à se réchauffer et enregistre actuellement des valeurs que l’on pourrait avoir en milieu ou fin d’été. Cela se distingue bien sur la carte. On y observe ainsi une vague de chaleur marine de catégorie 1 ou 2, comme en Méditerranée, principalement entre la Corse et l’Espagne.

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D'où vient ce bilan en carte ? Le suivi de la température de surface de la mer s'appuie sur des mesures effectuées par satellite. Des données quotidiennes issues de ces mesures et analyses sont diffusées par le Service marin de Copernicus (Copernicus Marine Service). L'Ifremer, institut basé à Brest, contribue au traitement de ces données et fournit un fichier complémentaire correspondant à la moyenne de température en surface pour un mois donné, basée sur les relevés de 1993 à 2014. Ce référentiel permet de comparer les écarts à une normale et d'observer les tendances malgré le caractère plus ou moins froid d'une masse d'eau. Le recours à une moyenne mensuelle accentue partiellement certains écarts en début et fin de mois, mais n'efface pas le caractère d'intensité de l'épisode observé actuellement.

La situation observée plus au nord peut-elle s’étendre ou annoncer une situation similaire à venir ailleurs ?

Il est possible qu’il y ait des échanges entre deux zones, mais on ne peut pas le prévoir. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que si les conditions restent les mêmes au niveau de la France - anticyclone qui stagne, peu de brassages et températures élevées - les températures de surface vont augmenter et la vague de chaleur dans le golfe de Gascogne va s’intensifier. Avec les prévisions des prochains jours, on s’y attend. Pour la dynamique à moyen terme sur l’ensemble du bassin, c’est plus compliqué. Si les conditions météo se modifient, la situation peut changer.

On se souvient de la canicule marine en Méditerranée, en 2022. Le fait que des zones bien plus larges et à fort courant soient touchées est-il surprenant ?

La Méditerranée, c’est l’exemple typique. Une zone dans laquelle il y a peu de marées, peu de brassage de l’eau, favorise une stratification de l’eau : une couche d’eau chaude se situe au-dessus de l’eau froide. Cette surface va s’isoler, ce qui entraîne moins d’échanges. Il est donc exceptionnel d’observer ce phénomène sur plusieurs jours dans les zones actuellement concernées dans l’Atlantique, où le brassage est plus important.

Source: Le Télégramme