Quel impact Indiana Jones a-t-il eu sur l'archéologie?
Temps de lecture: 2 min — Repéré sur National Geographic
Alors qu'Indiana Jones a repris du service en 2023, toujours incarné par un Harrison Ford qui fêtera ses 81 ans en juillet, National Geographic s'interroge sur la figure du célèbre archéologue apparu pour la première fois en 1981 dans Les aventuriers de l'arche perdue. Car des épopées aussi épiques, truffées de découvertes incroyables et de morceaux de bravoure absolus, ont forcément modelé la perception qu'a le public de l'archéologie.
Du Saint Graal à l'Arche d'alliance, Indiana Jones est toujours en quête d'artefacts légendaires et séduisants, combattant les pires ennemis et multipliant les conquêtes au passage. Une vision très décomplexée de l'archéologie, que Harrison Ford lui-même n'est pas tout à fait sûr d'assumer, comme il l'affirmait récemment à National Geographic.
Il faut dire que le Dr. Jones n'est peut-être pas le modèle dont l'archéologie avait besoin, donnant une image fun et erronée de la discipline. Méthodes d'excavation douteuses, maniement des armes à feu et du fouet: rien ne correspond vraiment à la véritable teneur de ce métier, qui consiste essentiellement à fouiller des archives et à réaliser des fouilles très précises, très contrôlées.
Pour autant, les archéologues évoquent souvent Indiana Jones avec tendresse, comme l'écrivait la journaliste Marilyn Johnson dans son livre Lives in Ruins, consacré à cette profession: «Chaque archéologue que j'ai interrogé a évoqué Indiana Jones au cours de la conversation, souvent avec affection, comme on mentionnerait un frère aîné casse-cou.» Elle relève cependant son étonnement de constater «qu'une profession dédiée à un travail minutieux, mené en laboratoire, puisse avoir une image aussi fanfaronne».
L'effet Spielberg
En fait, il s'est produit la même chose avec Les Dents de la mer qu'avec la série des Indiana Jones, relève le journaliste Simon Ingram: avant, le public n'avait juste pas d'opinion, ni sur les requins, ni sur les archéologues. Ensuite, grâce à l'effet Spielberg, il a commencé à en avoir une, certes biaisée, mais qui a permis de faire enfin exister ces sujets. Et de créer des vocations.
Chercheuse en histoire de l'art à l'université d'Oxford, Janina Ramirez explique par exemple que c'est Indiana Jones qui lui a donné envie de se diriger vers ce type d'activité. Oui, le personnage joué par Harrison Ford donne une image faussement haletante et sexy de la corporation; mais les étudiants s'en rendent compte rapidement ou le savent depuis toujours, et cela ne les empêche généralement pas de poursuivre leur cursus avec appétit.
Il faut dire que les trois films réalisés par Spielberg mettent en avant un élément essentiel: «le frisson apporté par la découverte», résume Ramirez, qui présente désormais la série Raiders of the Lost Past («Les aventuriers du passé perdu») pour la BBC. «L'archéologie est une discipline scientifique et basée sur des faits, mais elle nécessite aussi de l'imagination, un sens de la narration, une vision du monde. Si un personnage de film peut faire vivre ces sujets, alors ça ne peut pas être tout à fait mauvais.»
On pourrait aussi reprocher à Jones de piller les richesses du monde et de ne s'en servir qu'à son propre profit, ou pour faire briller la nation américaine. Mais les conclusions des films viennent souvent contrecarrer ses plans initiaux: le Saint Graal finit englouti dans les entrailles de la Terre, le crâne de cristal de l'atroce quatrième épisode termine «dans l'espace entre les espaces»... Bref, personne n'en tire profit à la fin.
La dimension coloniale des quêtes de l'archéologue est souvent rééquilibrée –pas toujours et pas assez– par des prises de conscience tardives et des coups du sort. Ce n'est sans doute pas suffisant, mais cela contribue aussi à faire d'Indiana Jones un personnage plus fréquentable et acceptable que ce qu'il aurait pu être sous la plume d'autres scénaristes.
Source: Slate.fr