La technologie du péage à flux libre, testée sur l'A79, va s'étendre à plusieurs autoroutes

June 27, 2023
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Guillaume Hérent, directeur général des réseaux d’autoroutes APRR et AREA, qui est aussi le président de la société Aliaé (Autoroute de liaison Atlantique Europe), le concessionnaire de l’A79, entre Digoin (Saône-et-Loire) et Sazeret (Allier), la première autoroute à flux libre en France, fait le point sur le trafic et l’extension de la technologie du flux libre.

Début 2023, le trafic était de 500.000 trajets par mois. Quel est-il aujourd’hui ? Est-il conforme à vos attentes ? En transformant une route nationale en autoroute, il y avait un enjeu de sécurité, mais aussi un enjeu de fréquentation en rendant cet axe plus attractif. Il y avait des habitudes à reprendre. Le trafic progresse, on commence même à dépasser nos prévisions sur certains tronçons. La partie la plus utilisée est Digoin-Toulon-sur-Allier, mais la progression de trafic reste homogène. On dépasse maintenant les 500.000 trajets mensuels. Fin mai, nous étions à plus de 4 millions de trajets depuis l’ouverture de l’A79. C’est positif par rapport à nos prévisions. Nous observons que des poids lourds, qui passaient par Lyon puis par l’A89 circulent désormais depuis Beaune jusqu’à Clermont-Ferrand en empruntant l’A79, car cela représente jusqu’à 50 % de péage en moins et des économies de carburant. Le trafic poids lourds progresse, je rappelle qu’il représente un peu moins de 40 % du trafic de l’A79, ce qui est un chiffre plutôt élevé.

Une appropriation plus lente chez certains conducteurs

Quels sont les motifs de satisfaction sur la technologie du flux libre ? Les points d’amélioration ? Technologiquement, cela fonctionne très bien. L’enjeu est aussi de travailler sur l’accompagnement des utilisateurs, pendant les deux à trois ans à venir, car c’est un vrai changement d’usage. Notamment sur la clientèle saisonnière et étrangère. Quand quelqu’un passe au péage et ne paye pas, il reçoit un courrier explicatif, pédagogique. Nous expliquons le mode opératoire. Cela représente 5 % des trajets, mais nous avons estimé que ce serait plus encore. En amont, nous avons fait beaucoup de présence auprès d’utilisateurs des populations locales, sur les aires de service et de repos pour cibler les personnes sans télépéage. Nous avons aussi fait beaucoup de communication avec les élus locaux. Beaucoup de flyers ont été distribués. Ce qu’on observe, c’est que l’appropriation du système est un peu plus lente chez les personnes âgées et les personnes non connectées.

Comment allez-vous communiquer cet été sur le flux libre ? Nous avons ciblé une communication locale et les lieux touristiques, nous avons contacté les offices de tourisme pour qu’ils nous orientent. Nos équipes seront présentes au PAL, à la forte fréquentation. Beaucoup de vacanciers passent par l’A79 pour s’y rendre. Nous avons prévu des renforts sur les aires de repos où il y a des bornes de paiement, pour accompagner les utilisateurs en direct, pour rassurer, alors que certains assimilent les portiques à de possibles amendes, expliquer le principe du télépéage, certains pensant encore qu’il est réservé à des gens qui roulent beaucoup.

Plus d'un million de trajets en deux mois sur l'A79, dans l'Allier, première autoroute à flux libre

Des panneaux supplémentaires ajoutés

Quelles améliorations avez-vous apportées ? Nous sommes dans une démarche d’amélioration continue, nous avons fait évoluer le logiciel de paiement, nous avons regardé avec les utilisateurs ce qui fonctionnait le moins bien pour améliorer l’ergonomie. Nous avons ajouté des fonctions supplémentaires sur les bornes de paiement, qui restent des bornes de paiement classiques, comme lorsqu’on s’acquitte de son stationnement. Nous avons notamment ajouté des dessins explicatifs pour aider les automobilistes à choisir leur sortie d’autoroute.

Qu’avez-vous modifié au niveau de la signalétique, alors que certains automobilistes se plaignaient de ne pas se rendre compte qu’ils rentraient sur une autoroute ? Après échange avec l’État, nous avons obtenu l’autorisation de mettre un second panneau, redondant, précisant les 130 km/h, en plus du panneau blanc et bleu spécifique d’entrée d’autoroute. Sur les six portiques de flux libre, nous avons ajouté une signalisation temporaire à la signalisation fixe, qui indique qu’il s’agit d’une autoroute à péage et les moyens de paiement, et restera probablement plusieurs années. Cette nouvelle signalétique, que nous avons expérimentée, servira de référence pour toutes les autoroutes à flux libre.

L'A79 dans l'Allier, autoroute sans barrière de péage : vos questions, nos réponses

Au départ de Lyon, premiers travaux dès 2024

Justement, prévoyez-vous d’étendre le dispositif du flux libre à d’autres autoroutes de votre réseau et à quelle échéance ? Technologiquement, nous sommes prêts. Plus il y aura d’autoroutes à flux libre, plus l’appropriation sera rapide. Passer au flux libre nécessite beaucoup de travaux sur les infrastructures existantes. Nous avons le projet d’équiper une partie du réseau Area. Ces autoroutes de la région rhônalpine sont très empruntées au moment des sports d’hiver, avec des kilomètres de bouchons. Une trentaine de gares de péages vont être transformées, uniquement aux entrées d’autoroute. Nous supprimerons ces barrières, l’entrée à ticket. Cela concerne l’A41, entre Chambéry et Annecy, l’A43 entre Lyon et Chambéry, l’A48 intégralement entre Lyon et Grenoble, et l’A49 intégralement de Valence à Grenoble. Nous installerons des portiques le long des tracés, comme sur l’A79. Les caméras des portiques nous diront quand et où un automobiliste est entré sur l’autoroute. Mais nous ne modifierons pas les sorties, qui resteront des barrières classiques. Progressivement, à plus long terme, nous passerons aux flux libre complet. Le passage au flux libre permettra un gain de CO2, en supprimant l’arrêt au péage et cela améliorera la fluidité des transports. Les travaux vont débuter courant 2024 et durer jusqu’en 2027. Quelques gares de péage seront modifiées en 2025, la plus grosse partie en 2026. Détruire des voies de barrière de péage et des auvents va nous permettre de renaturer des terrains. Refaire les sorties sera une étape supplémentaire. Les portiques permettront le passage progressif, avec un accompagnement en douceur, au flux libre intégral.

Dans l'Allier, l'A79 est la première autoroute à flux libre en France : comment ça marche ?

"Nous croyons au flux libre"

Pensez-vous que le flux libre va s’étendre, dans l’Hexagone ? Oui. Cette technologie, qui a déjà été éprouvée ailleurs, comme aux États-Unis, a été développée en interne avec nos équipes. C’est une fierté pour nos équipes d’être leader en France sur le sujet. Nous y croyons, elle est amenée à se développer de plus en plus. Nous sommes force de proposition auprès de l’État et l’État lui-même est très demandeur, car cela contribue à la décarbonation du transport. Les appels d’offres lancés par l’État pour les nouvelles autoroutes, comme celui auquel nous répondons actuellement en Haute-Savoie, sont tous avec péage à flux libre.

Quel est le gain observé sur l’A79 ? Sur tous les grands départs de vacances et week-ends printaniers, on a gagné en fluidité par rapport à la mise en place d’un péage classique.

Harmonisation européenne en cours

Rencontrez-vous des problèmes sur le recouvrement des péages ? Pour ceux qui n’ont pas le télépéage, un courrier pédagogique est donc envoyé par voie postale, grâce au fichier des cartes grises auquel nous avons accès. Si le conducteur ne paye pas, il reçoit un deuxième courrier avec une injonction de payer, et une majoration de 10 €. Après quinze jours, cette majoration passe à 90 €. Si le conducteur ne paye toujours pas, cela devient une infraction, avec une amende, qui peut aller jusqu’à 375 €. Cela représente quelques pourcentages de non-paiement, moins que nous nous y attendions. Il faut dire que deux tiers des véhicules sont équipés de badges de télépéage. Ce chiffre atteint même 95 % pour les poids lourds. Pour les véhicules étrangers, les aspects réglementaires vont se résoudre. Nous sommes pour l’instant moins en capacité d’aller au bout d’une procédure avec une plaque étrangère, mais l’accès au fichier des cartes grises européennes devient désormais possible.

Quand les tarifs augmenteront-ils ? Les tarifs évoluent chaque année, le 1er février, comme le prévoit l’État. Sur les réseaux autoroutiers du groupe, nous proposons une offre à 40 % de remise pour ceux qui font au moins 10 allers-retours dans le mois, avec un badge à abonnement). Sur l’A79, les réductions peuvent atteindre 60 % pour les utilisateurs fréquents (https://www.fulli.com/a79). Nous accompagnons aussi cet été ceux qui partent en vacances, avec un coup de pouce sur le télépéage, et un abondement de 25 %, valable jusqu’à début septembre, sur tout le réseau autoroutier français (https://www.fulli.com/liber-t-vacances).

Ariane Bouhours

ariane.bouhours@centrefrance.com

Source: La Montagne