Le Soudan " s’effondre " dans une guerre qui entre dans sa troisième semaine, les évacuations se poursuivent

April 29, 2023
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Une femme se tient devant le hublot d’un ferry transportant quelque 1900 personnes évacuées alors qu’il accoste à la base navale saoudienne King Faisal à Jeddah, le 29 avril 2023, lors des évacuations massives du Soudan. FAYEZ NURELDINE / AFP

Raids aériens et tirs nourris à Khartoum, des milliers de personnes évacuées du Soudan : les combats acharnés et meurtriers entre l’armée et les paramilitaires sont entrés dans leur troisième semaine, samedi 29 avril, alors qu’une nouvelle trêve n’est pas été respectée.

Le pays est plongé dans le chaos depuis le déclenchement, le 15 avril, d’une lutte de pouvoir sanglante entre le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », à la tête des redoutées Forces de soutien rapide (FSR).

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déploré, via la chaîne Al-Arabiya, que « la guerre pour le pouvoir se poursuive alors que le pays s’effondre ». Chaque camp s’accuse de violer la trêve prolongée, sous médiation internationale, jusqu’à dimanche minuit (heure de Paris). Vendredi, les généraux en guerre se sont écharpés par médias interposés.

Sur la chaîne Al-Hurra, Burhane a qualifié les FSR de « milice cherchant à détruire le Soudan » avec l’aide de « mercenaires venus du Tchad, de Centrafrique et du Niger ». « Hemedti » a, lui, parlé sur la BBC de son rival comme d’un « traître » qui n’est « pas digne de confiance ».

Les combats ont fait au moins 528 morts et 4 599 blessés, selon les derniers chiffres officiels communiqués samedi. Si la trêve n’arrête pas les combats, elle n’empêche pas la poursuite des évacuations. Des dizaines de milliers de Soudanais ont fui vers les Etats voisins incluant l’Egypte, l’Ethiopie, le Tchad et le Soudan du Sud, tandis que des pays étrangers procèdent à des évacuations massives de leurs ressortissants.

« La fenêtre d’opportunité se referme »

Un convoi organisé par les Etats-Unis a permis l’évacuation « de citoyens américains, des employés locaux et des ressortissants de pays alliés et partenaires » vers la ville côtière de Port-Soudan, d’où ils pourront embarquer pour l’Arabie Saoudite, a annoncé le département d’Etat samedi. Depuis ce port sur la mer Rouge, « nous [les] aidons à poursuivre leur voyage jusqu’à Jeddah, en Arabie saoudite, où du personnel américain supplémentaire est en place pour fournir des services consulaires et d’urgence », a-t-il ajouté.

Un ferry transporte environ 1900 personnes évacuées à travers la mer Rouge de Port-Soudan à la base navale saoudienne King Faisal à Jeddah, le 29 avril 2023, lors des efforts d’évacuation des personnes fuyant le Soudan. FAYEZ NURELDINE / AFP

De son côté, le ministère de la défense américain a affirmé dans un autre communiqué avoir déployé « des moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance pour soutenir les voies d’évacuations aériennes et terrestres » et déplacé des « moyens navals pour apporter le soutien nécessaire sur la côte ».

Le Royaume-Uni a déjà prévenu que son dernier vol d’évacuation aurait lieu samedi soir après avoir sorti plus de 1 500 personnes du Soudan. « La fenêtre d’opportunité se referme », a regretté le Canada de son côté. « Nous continuons d’évaluer différentes options pour évacuer les Canadiens, y compris par voies terrestre et maritime », a déclaré sa ministre de la défense, Anita Anand. En tout, « plus de 375 Canadiens » ont été évacués du Soudan et environ 300 autres attendent de l’aide pour sortir du pays, a ajouté la ministre.

Des « centaines de milliers » de personnes devraient quitter le pays

Les civils tentent de fuir ou de survivre barricadés sans électricité, eau, ni nourriture. « Il y a des affrontements à l’arme lourde et à la mitrailleuse », raconte à l’AFP un habitant de Khartoum, tandis qu’un autre témoin rapporte « des explosions et des tirs » ailleurs dans la capitale. Environ 70 % des hôpitaux dans les zones de combats sont hors service, selon le syndicat des médecins.

Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU, des « centaines de milliers » de personnes devraient quitter le pays. Quelque 14 000 personnes, en majorité des Sud-Soudanais, sont déjà arrivées au Soudan du Sud, a affirmé une porte-parole de l’agence onusienne samedi à l’Agence France-Presse. « Les combats qui se poursuivent au Soudan devraient provoquer de nouveaux déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Nous intensifions nos efforts pour aider les personnes en quête de sécurité », a écrit le HCR samedi sur son compte Twitter.

L’ONU estime que des millions de personnes supplémentaires pourraient sombrer dans la faim alors qu’un tiers des 45 millions de Soudanais en souffraient déjà, dans le pays, l’un des plus pauvres au monde.

Selon l’ONU toujours, 75 000 personnes ont été déplacées par les combats, particulièrement violents au Darfour, région déchirée par une guerre dans les années 2000. Pillages, destructions et incendies s’y multiplient à l’Ouest, y compris dans des camps de déplacés, rapporte Médecins sans frontières (MSF). L’ONG a dû y « arrêter la quasi-totalité de [ses] activités », regrette son chef adjoint au Soudan, Sylvain Perron.

Ces derniers jours, une centaine de personnes ont été tuées dans des combats qui ont ravagé El-Geneina, son chef-lieu, selon l’ONU dont le patron Antonio Guterres a déploré une situation « terrible ». « La société s’effondre, nous voyons des tribus qui essaient désormais de s’armer », a-t-il dit.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde