La Côte d’Ivoire à la conquête de l’espace
Correspondance
de notre correspondante à Abidjan – Les autorités ivoiriennes, en partenariat avec l’Institut national polytechnique de Yamoussoukro, veulent lancer le premier nanosatellite ivoirien à l’horizon 2024 et créer une agence spatiale ivoirienne. L’annonce a été faite officiellement lors de la conférence NewSpace Africa, qui a regroupé du 25 au 28 avril à Abidjan les acteurs du secteur spatial sur le continent. Nommé Yam-Sat CI 01, ce nanosatellite toujours au stade de projet pourrait permettre à la Côte d’Ivoire, pays le plus développé d’Afrique de l’Ouest francophone, de s'émanciper des satellites internationaux.
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Un satellite 100 % ivoirien. L’annonce a été faite par le ministre de l’Enseignement et de la Recherche scientifique lors de la conférence NewSpace Africa, qui s’est tenue à l'hôtel Ivoire d’Abidjan du 25 au 28 avril. Une nouvelle applaudie par la centaine d’acteurs du spatial en Afrique participant à l’événement. Parmi eux, Boubacar Fofana, président de l’entreprise à l'initiative du projet de nanosatellite baptisé "Yam-Sat CI 01". "Yam" pour Yamoussoukro, la capitale ivoirienne, et "Sat CI 01" pour marquer le fait qu’il s’agit du premier satellite fabriqué en Côte d'Ivoire.
"Avec notre propre satellite, nous pourrons mieux observer l'avancée des terroristes, cartographier l'étendue de la déforestation, détecter l’orpaillage clandestin ou encore faciliter l'accès à l’eau potable", se réjouit déjà l'entrepreneur. Ce satellite ivoirien, Boubacar Fofana en rêve depuis 2019. Pour parvenir à ses fins, il s’est associé à l'Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB) de Yamoussoukro, une prestigieuse école ivoirienne. Un partenariat entre le public et le privé qui lui permet d’obtenir des soutiens techniques, des locaux et une collaboration avec des ingénieurs.
"Dans notre école, nous avons des connaissances et nous travaillons déjà sur le domaine spatial. Mais nous avions besoin d'un soutien extérieur comme celui de Boubacar Fofana et de financements pour pouvoir convaincre les politiques", se souvient le professeur Pierre Yourougou, directeur adjoint de l’INP-HB. Ensemble, ils montent le projet Yam-Sat CI 01 et se donnent pour mission de persuader les autorités. "Le nanosatellite sera lancé en août 2024", assure Boubacar Fofana.
Boubacar Fofana (à gauche) et Pierre Yourougou (au centre) devant leur stand à la conférence NewSpace Africa, à Abidjan (Côte d'Ivoire), le 27 avril 2023. © Sadia Mandjo, France 24
46 satellites et nanosatellites africains dans l’espace depuis 1998
Ce visionnaire n’est pas le premier à rêver d’un satellite pour son pays. En 2015 déjà, le président de la République Alassane Ouattara avait lancé une étude de faisabilité à ce sujet. Mais à ce jour, aucun satellite ivoirien n’a encore rejoint les 46 engins africains gravitant dans l’espace depuis 1998. La création d’une agence spatiale ivoirienne annoncée en 2021 par le ministre de l’Enseignement et de la Recherche scientifique, Adama Diawara, ne s’est toujours pas concrétisée.
En cause : le manque de financement, l’absence de structures et des réglementations "souvent vagues ou inexistantes", a reconnu le ministre lors de son discours à la conférence. "L’expertise existe en Côte d'Ivoire, comme dans beaucoup de pays d'Afrique, mais elle n'est pas structurée, ni utilisée", a-t-il souligné, rappelant la volonté de l'État ivoirien de faire avancer le projet.
Pour Boubacar Fofana, nul besoin d’attendre la création d’une agence spatiale ivoirienne pour lancer des satellites. L’argument selon lequel la Côte d’Ivoire manque de moyens pour ce genre de projets n’est pas recevable selon lui. L'entrepreneur estime que l’on peut commencer à construire et lancer des nanosatellites avec 50 millions de francs CFA, soit près de 80 000 euros. "On peut mobiliser cet argent assez facilement, que ce soit avec des investissements du secteur privé, des dons d’anciens de l’INP-HB, des fonds gouvernementaux, etc. Plus on augmentera le budget, plus on visera un satellite de qualité et durable."
Mais lancer des satellites ne suffit pas, estime-t-il. Si la Côte d’Ivoire veut allonger la liste actuelle des 15 pays africains présents dans l’espace, elle devra aussi miser sur le traitement des données satellite, notamment en investissant dans les écoles d'ingénieurs.
L'expert spatial auprès de la Commission de l'Union africaine et coordinateur du programme GMES (Global Monitoring for Environment and Security) pour l'Afrique, Tidiane Ouattara, appelle les dirigeants africains à s'emparer du spatial comme d'un outil de souveraineté. Ceux-ci pourraient bénéficier de l’appui au développement de l’Agence spatiale africaine, créée par l’Union africaine en 2018. Une agence approuvée par 55 pays du continent et dont le siège se situe au Caire. L’existence de cette agence démontre qu’il existe une prise de conscience au niveau continental. Le chiffre d'affaires du secteur spatial africain est d'ailleurs estimé à 10 milliards de dollars d’ici 2024 selon Sékou Ouedraogo, auteur de "L’agence spatiale africaine. Vecteur de développement" (éd. L'Harmattan), interrogé sur France 24.
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Source: FRANCE 24