Bétonisation en Bretagne : le ZAN sème la zizanie au conseil régional
À la tribune de l’exécutif, elle brandit un bocal de terre, ramassée dans un champ de sa commune. « Aujourd’hui, cette terre est urbanisable », expose Laurence Fortin, vice-présidente à l’habitat du conseil régional. « Cela signifie qu’il est possible de construire un lotissement dessus, comme il y en a des centaines en Bretagne. Et la capacité de ce sol à produire de l’alimentation, à capter du carbone, à permettre l’écoulement des eaux, tout cela sera détruit. »
Un effet de manche qui a tout de même le mérite de poser le débat sur le Zéro artificialisation nette (ZAN). Cet objectif, destiné à mettre un frein à l’étalement urbain, a été fixé à horizon 2050 par le gouvernement. Mais dès aujourd’hui, les Régions doivent apprendre à moins consommer de terres agricoles et naturelles. La Bretagne, où neuf terrains de foot disparaissent chaque jour sous le béton, ne pourra artificialiser « que » 9 000 hectares jusqu’en 2031. Deux fois moins que pendant la décennie précédente.
Le conseil régional a reçu la lourde charge de répartir ce stock entre les différents territoires. Chez les maires et les élus locaux, l’inquiétude est vive. Où bâtir les nouveaux logements s’ils ne peuvent plus étendre leur commune ? Où implanter de nouvelles entreprises ? Des questions au cœur du débat ce jeudi, lors la session du conseil régional.
« Sur ma commune, deux projets de lotissements, destinés en priorité aux primo-accédants, sont remis en cause par le ZAN », pointe le Morbihannais Yvan Moullec, sur les bancs de la droite régionale. Le maire de Plouhinec (29) l’assure : d’autres communes sont dans le même cas et pourraient, bientôt, ne plus pouvoir construire. Au moment même où les Bretons connaissent des problèmes pour se loger. Son collègue, Marc Le Fur, estime quant à lui que le ZAN est « ruralicide ». « Priver d’espace le monde rural, c’est tout simplement le priver de son avantage par rapport aux villes ».
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Des équilibres respectés, selon la Région
Autre problème : la Région ne demande pas le même effort à tous les territoires. Le Pays de Rennes devra, par exemple, consommer 30 % de moins que par le passé. Contre 46 % pour Loudéac (22). De quoi nourrir un procès en favoritisme pour la capitale bretonne. « On va encore densifier les Métropoles et embêter les petits maires, qui vont devoir faire face à des complexités énormes pour construire », critique le RN Gilles Pennelle.
L’exécutif breton vante 18 mois de concertation avec les élus. Les équilibres territoriaux ont été respectés, défend Laurence Fortin. « Nous mettons 1 000 hectares sur le Pays de Rennes qui doit accueillir 60 000 habitants. Et nous en donnons autant au Centre-Bretagne pour absorber moins de 5 000 habitants. » Pas de favoritisme donc. Et l’élue de s’agacer de la « mauvaise foi » de certains : « À croire qu’on pourrait défendre l’agriculture le matin et signer des permis de construire sur des champs l’après-midi. »
Source: Le Télégramme