Dette, finances publiques, réformes... Quelles conséquences de la baisse de la note de Fitch pour la France ?

April 30, 2023
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L'agence de notation, qui évalue les perspectives financières, a abaissé la note française de «AA» à «AA-». Une décision motivée par «les fortes tensions sociales» autour de la réforme des retraites.

Redoutée par le gouvernement, la dégradation de la note de crédit de la France opérée vendredi par l'agence Fitch devrait avoir peu de conséquences immédiates pour Paris, dont la dette reste recherchée par les investisseurs.

Comme les deux autres grandes agences de notation (S&P et Moody's), Fitch évalue régulièrement la capacité des États à rembourser leur dette, en leur attribuant une note matérialisée par des lettres. La meilleure note est AAA (crédit de qualité optimale), la pire est C ou D (défaut de paiement) selon les agences.

Qu'a fait l'agence Fitch vendredi ?

Vendredi, la note de la France a été dégradée d'un cran, à «AA-», contre «AA» précédemment. Pour justifier sa décision, Fitch évoque notamment «des déficits budgétaires importants et des progrès modestes» concernant leur réduction, après trois ans d'abondantes dépenses publiques destinées à amortir le choc du Covid et de l'inflation.

Avec un double A, la dette française est encore jugée de «très bonne qualité» par l'agence et reste prisée des investisseurs, qui apprécient la sécurité de ce placement. Mais elle a été dégradée au dernier échelon avant le simple A, qui correspond à un crédit de «bonne qualité».

La décision de Fitch «va à contre-courant de ce que le gouvernement pouvait attendre» après l'adoption de la réforme des retraites, censée «montrer aux marchés qu'il avait une crédibilité à maîtriser les équilibres budgétaires à long terme», a commenté samedi sur franceinfo l'économiste de l'OFCE Mathieu Plane.

Quels précédents ?

Certes désagréable, l'épisode de vendredi est moins marquant que la perte par la France de son triple A - S&P et Moody's ont privé Paris de ce sésame en 2012, Fitch en 2013.

«C'était le saut dans l'inconnu», racontait début mars à l'AFP Anne-Laure Kiechel. «À ce moment-là, on se dit qu'on peut avoir certains investisseurs qui vont moins participer» à l'achat de la dette française sur les marchés, ajoute la fondatrice du cabinet Global Sovereign Advisory, spécialisé dans la dette des États.

A l'heure actuelle, les agences S&P (AA avec perspective négative) et Moody's (Aa2, perspective stable) attribuent toutes deux la troisième meilleure note possible à la France. La première doit actualiser sa notation le 2 juin.

Quelles conséquences ?

Samedi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a cherché à rassurer en réaffirmant auprès de l'AFP la volonté du gouvernement de «faire passer des réformes structurantes pour le pays». Vendredi, Fitch avait qualifié les fortes tensions sociales autour de la réforme des retraites de «risque pour le programme de réformes» du président Emmanuel Macron.

Sur la question de la dette, «ne doutez pas de notre détermination totale à rétablir les finances publiques de la nation», a insisté samedi Bruno Le Maire. Lors de la perte du triple A en 2012-2013, la France «n'a pas perdu d'investisseurs» sur sa dette, assure Anne-Laure Kiechel. Plusieurs autres pays européens avaient également été dégradés par les agences, ce qui avait relativisé la gravité de l'épisode pour les marchés.

Mais «il y a des notations plus critiques: si on passait en catégorie simple A, là il est possible que certains investisseurs» achètent moins de dette française, avertit Mme Kiechel. «S'il y a une forme de perte de crédibilité de la France sur la capacité à rembourser sa dette, elle peut être amenée à emprunter plus cher sur les marchés» et donc à payer plus d'intérêts, rappelle Mathieu Plane. «Cela grèverait les finances publiques ou les marges de manœuvre budgétaires.»

La France en milieu de peloton

Parmi les grands pays européens, la France est moins bien notée que l'Allemagne (triple A chez les trois grandes agences). Mais Berlin fait figure d'exception, à l'heure où Moody's menace de dégrader l'Italie d'un échelon pour classer sa dette dans la catégorie peu enviable des investissements spéculatifs.

Autre poids lourd de l'économie européenne,l'Espagne est également moins bien notée que la France, au contraire des Pays-Bas (triple A). Quel que soit leur profil, tous les pays européens sont confrontés depuis 2022 à une nette remontée des taux d'intérêt, qui renchérit le coût de leur dette.

Source: Le Figaro