Nucléaire : " Les précédents de Flamanville, de Finlande ou du Royaume-Uni n’encouragent pas à l’optimisme "
La centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime), le 9 décembre 2022. LOU BENOIST / AFP
L’étape est formelle, mais hautement symbolique. Comme lorsque l’on dépose en mairie sa demande de permis de construire. Mercredi 28 juin, le conseil d’administration d’EDF a officiellement lancé le chantier du renouveau du nucléaire en France. La demande d’autorisation a été envoyée à l’administration pour la construction et l’exploitation de deux nouveaux réacteurs nucléaires sur le site normand de Penly (Seine-Maritime).
Plus tard suivront des demandes identiques pour l’équivalent à Gravelines, dans le Nord, et une autre paire de réacteurs sur un site de la vallée du Rhône. Six réacteurs construits sur trois sites existants, afin de faciliter et accélérer les procédures.
Accélérer s’entend au rythme précautionneux du nucléaire. Si tout va bien, ce qui ne s’est pas produit dans le nucléaire depuis plus de vingt ans, le premier béton pourra être coulé à Penly à la fin 2027. Auparavant, il faudra avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de sûreté nucléaire. Afin de réduire les obstacles administratifs, le Parlement a voté une loi qui permet notamment d’engager certains travaux dans la mesure où ces cathédrales de béton et d’acier sont construites sur des sites existants d’EDF.
Plusieurs obstacles à franchir
Le délai de fabrication est le premier obstacle à franchir. Les précédents de Flamanville, mais aussi de Finlande ou du Royaume-Uni n’encouragent pas à l’optimisme. Il a fallu entre quinze et vingt ans pour achever le chantier finlandais et celui de Flamanville, dans la Manche, n’est pas terminé. Prévoir de coupler au réseau la première machine en 2035 est donc optimiste. Mais EDF a identifié les deux raisons principales des dérapages. Une conception inachevée et un personnel manquant. Cette fois, promis, le design du réacteur de type EPR2 sera « achevé à 80 % » avant le démarrage et un vaste plan de formation de dizaines de milliers de spécialistes est lancé.
Restera ensuite à surmonter les deux autres obstacles, le coût et le financement. L’estimation qui circule aujourd’hui tourne autour de 60 milliards pour les six réacteurs, contre près de 50 envisagés en 2019. Cela signifie de diviser par deux le coût actuel. Faisable si les deux étapes précédentes, la conception et les ressources humaines, sont au rendez-vous. Enfin, le financement est un autre chantier, qui passera par un appel au client et au contribuable, compte tenu de la dette colossale d’EDF (65 milliards d’euros). Au total, un ambitieux et indispensable chantier qui prépare le paysage énergétique de la deuxième moitié de ce siècle, mais ne sera pas d’un grand secours pour répondre aux défis immédiats.
Source: Le Monde