Guerre en Ukraine : à Zaporijia, dans la hantise de la catastrophe nucléaire, les habitants s’exercent à l’évacuation

July 01, 2023
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Personne n’aurait dû sursauter quand la sirène a déchiré l’air, en fin de matinée, dans les rues de Zaporijia, dans le sud-est de l’Ukraine. Après dix-huit mois de guerre, elle a fini par faire partie de la vie : ici, on n’y prête pas plus d’attention qu’au bruit de grincement du tramway.

Mais, cette fois, ce n’était pas « notre bonne vieille sirène », raconte un retraité, celle qui prévient des bombardements dans la zone, chaque jour ou presque. C’en était une autre, monstrueuse, qu’on voudrait ne jamais entendre : la sirène annonçant une catastrophe à la centrale nucléaire de Zaporijia, à 120 kilomètres en aval sur le Dniepr, dans le territoire sous occupation militaire russe. Le retraité assistait à la messe quand elle a retenti. Tout le monde a cru au pire, l’église s’est transformée en scène d’apocalypse.

A Zaporijia, cela fait une semaine que les autorités multiplient les tests et les entraînements en prévision d’une éventuelle alerte atomique. Pour la première fois, jeudi 29 juin, un exercice à grande échelle a simulé l’évacuation de 168 000 habitants dans les deux quartiers de la ville susceptibles d’être le plus exposés aux particules radioactives.

Réunion d’information au Journalists Solidarity Center, à Zaporijia, sur les gestes à faire en cas de catastrophe nucléaire, le 27 juin 2023. GUILLAUME HERBAUT/AGENCE VU’ POUR « LE MONDE »

Sur le parking d’un centre commercial, des habitants portant des masques, certains en combinaison et charlotte bleue, embarquent dans des cars, mimant les conditions d’un départ vers une zone protégée, dans l’ouest du pays. Une jeune institutrice serre contre elle son petit sac à main, emmailloté dans un film antiparticules. Elle sanglote. S’excuse de sangloter. Rien n’est réel, bien sûr, elle le sait. Mais elle n’arrive pas à le croire.

Le scénario d’un attentat

Régulièrement évoquée depuis l’occupation russe de la centrale, la menace nucléaire a revêtu une autre résonance avec le sabotage par Moscou, dans la nuit du 5 au 6 juin, du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, qui a provoqué des inondations mortelles et un désastre environnemental sur le Dniepr.

« Nos services de renseignement ont obtenu des informations selon lesquelles la Russie envisage le scénario d’un attentat terroriste à la centrale de Zaporijia », a lancé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, le 22 juin. Trois jours plus tard, Kyrylo Boudanov, chef de la direction principale du renseignement ukrainien, renchérissait de son côté : « La situation n’a jamais été aussi grave. » Selon lui, Moscou aurait déjà planifié et approuvé le projet de piéger la centrale. « Il ne manque que l’ordre en fonction de la situation militaire. »

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Source: Le Monde