comment l'inflation contraint des foyers à recourir au crédit à la consommation
Face à la hausse des prix, quatre personnes racontent à franceinfo leur décision d'emprunter pour payer les courses et les factures, ou se constituer un matelas de sécurité.
Emprunter pour tenter de sortir la tête de l'eau entre les vagues de hausse des prix. Alors que l'inflation ralentit mais demeure à un niveau élevé, à 4,5% en juin sur un an, les Français ont davantage recours aux prêts pour boucler leurs fins de mois. En 2022, le marché du crédit à la consommation pour les particuliers a crû de 7,6% par rapport à 2021, selon le bilan de l'Association française des sociétés financières (lien PDF).
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Parmi ces emprunts, près de la moitié (48%) ne sont pas liés à la concrétisation d'un projet spécifique (achat d'une voiture, travaux, etc.) mais visent à répondre à un besoin de trésorerie, selon une étude de la société de courtage Meilleurtaux, qui a recensé les demandes sur son site. Franceinfo a donné la parole à quatre foyers qui ont dû se résoudre à emprunter pour faire face à l'augmentation du coût de la vie. Si, pour certains, l'inflation s'est ajoutée à des difficultés personnelles, d'autres n'imaginaient pas devoir s'endetter pour financer les dépenses du quotidien.
Pour Reynald, emprunter était "la seule solution" pour payer la hausse de sa facture de gaz
Reynald et sa femme sont propriétaires d'un appartement et ont deux enfants à charge. Gestionnaire dans un service après-vente, ce Normand de 56 ans perçoit quelque 1 300 euros net depuis son placement en arrêt maladie en septembre. Sa compagne touche environ 500 euros par mois en entretenant les locaux de leur copropriété. En avril, ils ont souscrit à un prêt personnel de 3 500 euros auprès d'une plateforme en ligne spécialisée dans les crédits à la consommation.
"Mes revenus ont baissé de 200 euros avec l'arrêt maladie, alors que la vie coûte de plus en plus cher. Récemment, on a reçu un courrier du syndicat de copropriété nous demandant 1 200 euros pour payer un surcoût du prix du gaz. Ce n'était pas possible pour nous de sortir cette somme. La seule solution, c'était de faire un crédit. Avec les 3 500 euros que j'ai empruntés, j'ai réglé la facture et j'ai soldé une dette de 1 300 euros auprès de l'Urssaf. Les 1 000 euros restants du crédit nous permettent de ne pas trop paniquer sur les augmentations de prix et c'est une bouffée d'oxygène pour payer les dépenses du quotidien. Mais c'est un prêt que nous allons devoir rembourser pendant quatre ans, à hauteur de 85 euros par mois.
"On a longtemps réfléchi avec ma femme avant de souscrire. On ne l'a pas fait sur un coup de tête : je me suis beaucoup renseigné sur le Net et j'ai fait des recherches auprès des différents prêteurs." Reynald à franceinfo
On avait déjà contracté un crédit à la consommation il y a une trentaine d'années. C'était au début de notre vie ensemble. Depuis, la vie a évolué et je gagne un peu plus. Certes, on a toujours été un peu limite à la fin du mois, mais sans que ça soit dramatique. Devoir à nouveau souscrire à un prêt, j'ai trouvé ça inquiétant. A 56 ans, même si je n'ai pas de Rolex au poignet, je pensais quand même que la vie allait se passer sans encombre jusqu'à la retraite. On ne s'attendait pas à ce que les prix augmentent comme ça."
Elodie rembourse cinq crédits et ne "s'en sort plus"
Mère de trois enfants, Elodie, 32 ans, est locataire d'une maison dans le Pas-de-Calais. Les revenus de son compagnon (1 380 euros) et les prestations sociales qu'ils perçoivent (900 euros) ne permettent plus au couple de finir le mois sans être "dans le rouge". Pour payer les dépenses du quotidien, ils ont contracté début mai un cinquième crédit.
"On a repris un crédit renouvelable parce que ça devient de plus en plus compliqué depuis presque deux ans pour faire les courses. Comme tout est de plus en plus cher en magasin, on ne s'en sort plus du tout. Avant, je faisais 180 euros de courses et j'étais tranquille pour le mois. Maintenant, j'en suis facilement à 300 ou 400 euros, alors que je n'ai pas changé mes habitudes. On a déjà utilisé la totalité des 500 euros qu'on a empruntés. On a fait des courses et on a comblé le découvert sur notre compte. On a contracté ce crédit auprès d'un site internet dont j'avais déjà entendu parler via ma belle-mère.
"On s'était renseignés auprès des banques pour emprunter. Malheureusement, ce n'était pas possible parce qu'on n'a pas assez de revenus et qu'on a déjà quatre autres crédits en cours." Elodie à franceinfo
On a deux crédits voitures, dont l'un se termine en août. J'ai déjà un crédit renouvelable assez important, de 5 000 euros, auquel on a souscrit auprès de ma banque en 2019. On a été obligés de piocher plusieurs fois dedans pour acheter à manger, alors il reste encore 4 500 euros à rembourser. L'année dernière, on a pris un autre crédit renouvelable de 1 000 euros dans le magasin où on fait les courses. C'est pareil, c'est compliqué de le rembourser. On a eu des frais récemment pour un prélèvement rejeté. Pour le dernier emprunt, on a choisi des petites traites, de 20 euros par mois. C'est vraiment le paiement des autres crédits qui pose un problème. Au total, j'en suis à pas loin de 400 euros à rembourser chaque mois."
Claude a souscrit à un crédit renouvelable "pour avoir un petit plus au cas où"
Ancienne agente immobilière et gérante de magasin, Claude perçoit une pension de retraite de 1 820 euros. A 72 ans, elle vit seule en Haute-Vienne, dans un logement dont le loyer et les charges (électricité, bois) représentent environ 500 euros par mois. Elle a souscrit au printemps à un crédit renouvelable de 3 500 euros auprès de sa banque, pour régler des frais optiques et se constituer un matelas de sécurité en cas d'imprévu.
"Pour payer 900 euros de frais de lunettes à ma charge, mon banquier m'a proposé en mars un crédit intéressant avec un taux à 4,5%. Je rembourse des mensualités de 162 euros sur 24 mois. Pour l'instant, j'ai utilisé 1 000 euros du capital, et j'ai gardé 2 500 euros de côté. On me dit que j'ai une belle retraite. Je sais qu'il y a des gens qui sont plus dans la mouise que moi. Je n'ai pas de problèmes bancaires, mais je dois quand même compter. J'ai un peu d'argent de côté, mais je n'ai pas non plus des mille et des cents.
Alors, j'ai préféré prendre un crédit pour avoir un petit plus au cas où. J'ai une voiture qui a 220 000 km au compteur. Si elle tombe en rade dans un ou deux ans, il faudra que j'en rachète une. Et puis avec la hausse des prix de l'électricité, tout a augmenté. Je me demande ce qui va encore nous tomber sur le coin de la figure dans les mois et les années à venir. Est-ce que l'inflation va continuer ? On n'en sait rien. On est dans l'hypothétique."
Manon s'est endettée "pour se nourrir"
Employée dans le secteur du service à la personne, Manon, 27 ans, est rémunérée 1 500 euros net. Avec 650 euros de loyer et un enfant en bas âge, son couple "n'y arrive plus". Au chômage depuis février, son compagnon perçoit 700 euros d'indemnités, et doit verser une pension alimentaire pour un enfant né d'une précédente union. La jeune femme, qui vit dans les Bouches-du-Rhône, a signé en mai un crédit renouvelable de 3 000 euros auprès d'une grande société de crédit à la consommation. Il s'ajoute à un autre emprunt de 4 000 euros contracté en décembre pour remplacer sa voiture tombée en panne.
"Jusqu'à présent, on faisait en sorte de tenir au fur et à mesure. Mais depuis deux ou trois mois, je me retrouve à découvert de 600 euros dès le 6 du mois. En plus du chômage de mon compagnon, on a de plus en plus de frais : les factures d'électricité ont augmenté, mon panier de courses a doublé. Quand je range les courses, je me demande à chaque fois si j'ai vraiment payé autant pour si peu. Je mets aussi facilement 50 à 60 euros d'essence par semaine pour aller travailler. On s'est dit qu'on allait faire un prêt à la consommation pour qu'on puisse se nourrir et gérer les dépenses du quotidien.
"Au début, je ne voulais pas emprunter. Ça m'angoisse énormément parce qu'il y a toujours la crainte de ne pas réussir à rembourser." Manon à franceinfo
J'ai fait des simulations sur plusieurs sites pour demander 1 500 euros. Compte tenu de mes revenus, l'un des organismes de prêt m'a dit que je pouvais emprunter jusqu'à 3 000 euros. C'est un des seuls qui m'aient proposé autant. On s'était dit qu'on utiliserait cette somme au fur et à mesure. Sauf que mon compagnon avait 700 euros d'amendes impayées. J'avais aussi un impayé de 200 euros de la crèche, j'ai fait un plein d'essence, on a fait des courses… Bref, ça part très vite. Je me languis que l'inflation se calme. Entre la hausse de l'essence, puis des courses, ça fait beaucoup de crises qui s'ajoutent aux aléas de la vie."
Source: franceinfo