"J’ai vraiment dû amputer beaucoup de soldats", se souvient l'un des derniers chirurgiens de Marioupol sous les bombes

July 02, 2023
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Fin mai 2022, la ville de Marioupol tomnbait aux mains des Russes, après des semaines de résistance. Un an après la fin du siège de la ville, Alexandra et Evgen, personnels hospitaliers, racontent avec émotion cette bataille.

Un an, comme une éternité. Fin mai 2022, en Ukraine, la ville de Marioupol était conquise par les troupes russes, après des semaines de résistance. La ville est aujourd'hui en grande partie en ruines et quasi désertée. Mais Marioupol et la fameuse usine Azovstal, qui abritait dans ses sous-sols des centaines de soldats ukrainiens, sont devenues l’un des symboles de la violence russe, mais aussi celui de la résistance ukrainienne.

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Lorsque la Russie lance son invasion, Alexandra, 26 ans, est en poste à l'hôpital de Marioupol, cette ville portuaire du sud de l'Ukraine. Un an après, elle souffre de stress post-traumatique, de migraines très violentes, conséquences des violentes explosions au cœur de la guerre. Elle ne sera " plus jamais la même", confie-t-elle, avant de glisser : " Comment pourrais-je me plaindre, alors que d'autres gars reviennent sans bras et sans jambes ?".

Alexandra était est en poste à l'hôpital de Marioupol lors de l'offensive russe sur la ville. Elle souffre aujourd'hui de stress post-traumatique et de migraines très violentes. (MAURINE MERCIER / RADIOFRANCE)

"Comme sur une balançoire à cause de l'onde de choc"

Evgen, la soixantaine, lui, précise : " Le nombre de blessés augmentait de façon catastrophique". Ce chirurgien au sein de l’armée était là aussi durant toute l'offensive. Et son histoire, il ne l'a pratiquement jamais racontée. Nous sommes alors fin mars 2022, à Dnipro. L’armée pose la question : est-ce qu’un chirurgien accepte de rejoindre Marioupol ?

À ce moment-là, dire oui, c'est accepter de ne jamais revenir. Sa mission : opérer des blessés graves dans des bunkers sans air et pilonnés constamment. " Après certaines explosions, nous étions durant une minute et demie, comme sur une balançoire, à cause de l'onde de choc", glisse-t-il. " Je n'avais pas assez de temps, je n'avais pas assez de matériel pour stopper les hémorragies. Alors, pour sauver des vies, j'ai dû amputer des membres que je n'aurais pas eu à amputer en temps normal. Je n'avais pas le choix. J’ai vraiment dû amputer ainsi beaucoup de soldats…"

La silhouette de l'ancienne usine Azovstal, à Marioupol, totalement détruite par les combats qui s'y sont déroulés. La Russie affirme vouloir transformer le site en "techno-parc". (RADIO FRANCE / SYLVAIN TRONCHET)

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Des transferts de sang de bras à bras

Lors des opérations, il faut faire des transferts de sang direct, de bras à bras. Les combattants qui en ont encore la force, tentent de sauver ainsi la vie de leurs camarades. Evgen témoigne de la violence des combats sans relâche : " La densité du feu russe était tellement forte qu'il était souvent impossible d'évacuer les blessés graves de leur position pour les ramener jusqu'à nous. Imaginez : des soldats avec des garrots aux membres inférieurs durant dix jours, bloqués parce qu'ils ne pouvaient plus quitter leur position... Imaginez l'état de leurs jambes après cela !"

À la fin du mois de mai, après des semaines de résistance, les derniers soldats ukrainiens d'Azovstal se rendent aux forces russes. Alexandra et Evgen sont alors faits prisonniers, avant de passer près de cinq mois dans les prisons russes. La plupart de leurs compagnons sont encore en prison. Mais tous deux, dehors, assurent continuer de servir leur pays, malgré leur stress post-traumatique.

Source: franceinfo