Mort de Richard L. à Kernével : " Il était amoureux de son bateau "
Vu du ciel en haute saison, le port de Kernével ressemble à un village. Les mâts de mille bateaux s’élèvent, des quartiers se dessinent entre les pontons. Bruno Jugan s’avance d’un pas lourd, jusqu’à la hauteur du quai flottant où le Kyrian est amarré. Le voilier « sangria » de Richard L., dont le corps a été retrouvé au petit matin ce dimanche 2 juillet, gisant dans l’eau à quelques mètres de là, est désormais silencieux. « On n’avait même pas besoin de connaître nos noms de famille. Dans mon répertoire, je l’avais nommé Richard Ponton », souffle Bruno. Il a les traits tirés et les yeux pleins de larmes, quelques instants après avoir appris la disparition de son ami. « On était comme deux frangins ».
À Kernével ce dimanche matin, l’atmosphère est morose. Des murmures de plaisanciers volettent au-dessus des eaux du plus grand port de la rade. « Dans le noir, il a pu glisser », entend-on d’un côté. « Il a pu se cogner la tête… » Si la théorie de l’accident est sur toutes les lèvres, aucune piste n’est encore confirmée par la police de Lorient, qui a ouvert une enquête et décortique les images de la nuit de samedi à dimanche, captées par les caméras de vidéosurveillance.
Des froides « rumeurs de ponton » aux témoignages chaleureux de ceux qui le connaissaient vraiment, se dresse le portrait d’un homme de 55 ans, sociable, festif, « souriant et heureux de vivre ». Sur les mille bateaux amarrés, une quinzaine de plaisanciers vivent ici à l’année. « On le connaissait tous. »
Ce « grand gabarit », du genre « costaud », « toujours à bricoler sur son bateau », Alan Boison le connaissait depuis douze ans.
Alan Boison, compagnon de ponton de Richard L. depuis douze ans : « C’était un mec bien. Il venait toujours me dire bonjour ». (Le Télégramme/Alice Gleizes)
Ce loup de mer de 73 ans, retraité de la marine, tire sur son sweat bleu marine : « C’est Richard qui me l’a donné. Quand il avait des affaires en trop, il me les refilait. Des chaussettes, des polos, des pulls. Même si j’ai les moyens de m’en procurer, je trouvais ça sympa ». Derrière sa carapace d’ancien militaire, Alan laisse filer l’ombre d’un sentiment. « On n’était pas vraiment amis, non. Il venait souvent discuter ici, c’est vrai. Il me disait toujours bonjour. Il était bien, ça, je peux le dire. »
On est des anciens des pontons, on a vécu ensemble. On s’est connus ici d’ailleurs.
Bruno s’efforce de décrire son « copain », la gorge serrée. « Il était généreux et attentif. Il aimait le monde. Il a beaucoup voyagé d’ailleurs, il travaillait dans des clubs de vacances. Après il a été prof en électrotechnique à l’Afpa (centre de formation à Lorient, NDLR). »
« Il était bon en électromécanique », son domaine. « Il bossait depuis peu comme agent de maintenance dans une grosse société, c’était un bon job avec des responsabilités », détaille Yvon Keruzec, un voisin de ponton. « C’était un bon vivant, comme nous tous. On faisait la fête ensemble parfois à la capitainerie ». Inconditionnel de la vie en solitaire, « il préférait vivre sur son bateau, d’ailleurs, il en était amoureux », sourit Danielle, une plaisancière.
Source: Le Télégramme