Aux urgences de Quimper, " on est presque obligé de se comporter comme une machine "

July 03, 2023
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« Ce matin, on a trois patients, de 73, 89 et 91 ans, qui attendent depuis plus de 40 heures ; il y en a 17 en tout dans les couloirs… Pour 21 boxes, on a une quarantaine de patients en ce moment ». Voilà le constat amer, dressé ce lundi, en début de matinée, par deux médecins travaillant aux urgences de Quimper. L’un d’eux porte un brassard de fortune estampillé « En grève ». Dans le dos, écrit au marqueur sur sa casaque blanche : « Zéro brancard dans nos couloirs ».

Sur le site Laennec, le personnel du service a décidé, douze heures durant, de participer à un mouvement de grève national, déposé par Samu-Urgences de France . Un fait rare. « À l’hôpital, on ne fait malheureusement jamais grève, explique ce médecin. Car il y a un côté sacerdoce ; on ne veut pas impacter le système de santé ».

Un système à l’agonie aux urgences, observe pourtant le personnel quimpérois. Raison pour laquelle il se mobilise ce lundi. Le mal est profond. Et pas nouveau. « Ça fait des années que ça se dégrade, confirme l’urgentiste. C’est une problématique nationale. Mais cette fatalité est dramatique pour nous. Et ce qui est très perturbant, c’est qu’on ne voit pas de solution ».

« Quelque chose qui n’est pas humain »

Sur place, les médecins abordent rapidement une première difficulté : le manque de lits d’hospitalisation. Des lits, fermés faute de personnel suffisant. Conséquence directe : les patients sont gardés artificiellement aux urgences. Récemment, une zone d’attente post-soins a pourtant été créée dans le service ; une pièce ouverte, sans « aucune confidentialité », sans « aucune intimité », dans laquelle les brancards sont séparés les uns des autres par de simples paravents. Mais les dix places y sont occupées en permanence.

Sur place, les médecins abordent rapidement une première difficulté : le manque de lits d’hospitalisation. (Le Télégramme/Sophie Benoit)

« Et depuis plus de deux semaines, il n’y a plus assez de médecins pour gérer cette zone », déplore l’urgentiste, qui rappelle donc aussi que les patients sont quotidiennement « stockés » dans les couloirs, faute de place ailleurs. « Avec la perte de chance que cela entraîne », insiste sa collègue, qui a le sentiment de « faire quelque chose qui n’est pas humain ». L’urgentiste assis à côté d’elle acquiesce. Et lâche : « On est presque obligé de se comporter comme une machine ».

« Qu’ils ouvrent des lits »

Ils disent avec force que « les services d’urgences tels qu’ils existent en France vont devoir changer ». Ils réclament évidemment une « amélioration des conditions d’accueil des patients ». « Qu’ils ouvrent des lits ! », lancent-ils aussitôt après. Au-delà, les médecins rencontrés ce lundi matin parlent forcément d’attractivité. Pour eux, les métiers de l’urgence ne séduisent plus. « Il n’y a plus de perspective, on n’arrive plus à faire rêver ». Un recrutement complexe, auquel s’ajoutent des départs (« cinq sur l’année », comptent les médecins). « Et parmi ceux qui restent, beaucoup ont diminué leur temps de travail ». Signe d’un vrai malaise.

Source: Le Télégramme