Mort de Nahel: pourquoi ces quartiers de la Côte d'Azur n’ont pas basculé dans la violence

July 04, 2023
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"Tous les matins, en juillet et en août, on sera là de 10 heures à 12 heures", promet Noré Mezouar à la tête de la MJC Giaume (1) de Cannes-la-Bocca en désignant le city stade. "Notre but, via le dispositif Quartiers d’été (2), c’est de proposer des activités gratuites aux jeunes. Aussi bien dans leur quartier pour qu’ils se l’approprient, mais aussi à l’extérieur, parce que c’est important de s’ouvrir", poursuit celui qui a grandi bâtiment A, résidence Sainte-Jeanne: "Et c’est justement une réponse à apporter au climat actuel." S’intéresser aux ados, leur proposer autre chose. Intimement convaincu que La Frayère n’a pas suivi la déferlante de violence que la France connaît depuis la mort de Nahel, 17 ans, grâce au "maillage du tissu social, associatif", Noré Mezouar salue le projet de réhabilitation du quartier: "Les habitants ont été impliqués. C’est un message d’espoir." Participer à l’amélioration des conditions de vie: là aussi, une des clés pour préserver l’équilibre du quartier.

"Toute une génération stigmatisée"

Noré Mezouar est à la tête de la MJC Giaume.

"Franchement, ces derniers jours, on est comme d’habitude", indique Nabil, 35 ans. Pour ce père de famille, c’est surtout le débat de fond qui manque: "Au final, pour quelques jeunes qui font n’importe quoi c’est toute une génération qui est stigmatisée. Ce n’est pas juste. Il faudrait comprendre pourquoi ces jeunes-là ont agi comme ça. À partir de là, on peut les accompagner." Justement, comment expliquer ce phénomène? Si Nabil ne perçoit pas un problème d’éducation généralisée, Richard, lui, oui. En 45 ans de quartier, il a vu les comportements changer. "Quand tu demandes à un petit pourquoi il est en train de faire telle ou telle chose, il ne peut pas argumenter." Du coup, le retraité va aux devants d’eux. "La dernière fois, il y en avait un qui voulait tirer une poubelle en feu, je lui ai dit stop. Il est parti." L’influence des réseaux sociaux, la téléréalité qui peut montrer une image tronquée de la réussite, les discours des politiques, le rôle de l’État reviennent également dans les discussions avec les habitants lorsqu’il s’agit de parler de ce qui cloche. Logique quand on a affaire à des minots qui ne sortent pas sans leur smartphone en poche.

"Ici, tout le monde se connaît"

"Mais heureusement, on n’a pas eu à vivre des scènes comme à Marseille. On est en très loin", souffle, Sylvie, soulagée de pouvoir se rendre au travail avec une voiture qui n’a pas été touchée par un incendie. "Ce genre d’acte, tu as 99% du quartier qui le condamne. Mais ça, on n’en parle pas", siffle Jon (3) du côté de Bon Voyage à Nice. Là aussi, pas de débordements à déplorer. Une bonne nouvelle qui n’étonne pas Maxanne (3) qui travaille depuis une dizaine d’années dans la galerie commerciale du Leclerc Pont Michel, route de Turin: "Ici, tout le monde se connaît! Quand j’ai vu que la situation s’envenimait ailleurs, je n’ai jamais pensé que ça viendrait ici." Et à raison. "Bien sûr, il y a tout le travail social. Mais on a perdu du terrain. Avant, il y avait les grands frères qui allaient au contact. Et aussi il y avait une police de proximité. Des agents avec qui on pouvait parler, avec qui on pouvait même faire du sport. Ça, c’est fini", regrette Jon qui a grandi à L’Ariane: "Il ne faut pas oublier que les jeunes de Paris, Marseille, Lyon se connaissent. Ça peut aussi expliquer pourquoi ça a pris de l’ampleur. Ils ont des amis, ils se sont rencontrés en prison, ils connaissent untel qui est le cousin d’untel, ils font du business ensemble… Quand il y a un mort, il y a une trêve dans leurs conflits. Tu présentes tes condoléances aux proches, tu marques du respect. Avec le lien entre ces villes, les jeunes ont pu se sentir plus proches de Nahel, c’est aussi cela qu’il faut voir derrière tout ça."

1. Financée à 90% par la Ville de Cannes.

2. Financé par l’État.

3. Le prénom a été changé à sa demande.

Source: Nice matin