Guerre en Ukraine : entre Kiev et Moscou, une bataille d'accusations autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia
Les deux pays s'accusent mutuellement de risquer une catastrophe nucléaire tandis que l'Agence internationale de l'énergie atomique peine à vérifier leurs dires.
Des "engins explosifs" d'un côté. Des "armes de précision à longue portée" de l'autre. La Russie et l'Ukraine se sont mutuellement accusées, mardi 4 juillet, de planifier une attaque contre la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d'Europe. Le site, aux mains des forces russes depuis mars 2022, est un des lieux stratégiques de la guerre en Ukraine. Depuis le début du conflit, Moscou comme Kiev se reprochent régulièrement de bombarder les environs de la centrale, au risque de déclencher une catastrophe nucléaire.
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La tension est remontée d'un cran, à la mi-juin, lorsque l'Ukraine a affirmé que la Russie préparait un assaut contre la centrale et y avait déployé ses forces. Le plan, consistant à miner le bassin de refroidissement pour provoquer un accident nucléaire, "a été établi et approuvé", a garanti le directeur du renseignement militaire ukrainien dans un entretien au magazine britannique News Statesman. Moscou a de son côté dénoncé un "mensonge". L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a quant à elle répondu n'avoir "à ce stade trouvé aucune indication de mines ou d'autres explosifs" sur place, relève Sky News.
Kiev suspecte Moscou d'avoir piégé le toit de réacteurs
Volodymyr Zelensky a pourtant brandi une nouvelle fois cette menace mardi 4 juillet. Lors d'un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron, le président ukrainien a déclaré que les Russes "préparaient des provocations dangereuses" à Zaporijjia. Dans un message posté quelques heures plus tôt sur Telegram, l'armée ukrainienne a affirmé que des "objets similaires à des engins explosifs [avaient] été placés sur le toit extérieur des réacteurs 3 et 4". Selon Kiev, "leur détonation ne devrait pas endommager les générateurs". Pour l'armée ukrainienne, Moscou cherche à "donner l'impression de bombardements" et à "faire de la désinformation" afin de décrédibiliser son adversaire.
"Il s'agit peut-être de simuler une attaque contre la centrale. Ou peut-être qu'ils ont un autre scénario en tête. Quoi qu'il en soit, (...) la seule source de danger pour la centrale nucléaire de Zaporijjia est la Russie." Volodymyr Zelensky, président ukrainien dans son adresse quotidienne
"La Russie a déployé du personnel militaire, installé des fortifications sur au moins trois réacteurs et placé des explosifs sur la centrale", a encore affirmé le ministère ukrainien des Affaires étrangères sur Twitter. Et d'ajouter : "Il est grand temps que le monde prenne des mesures immédiates."
Là encore, l'Agence internationale de l'énergie atomique ne confirme pas mais n'infirme pas non plus ces déclarations ukrainiennes, l'agence onusienne n'ayant pas pu accéder aux toits des locaux abritant les réacteurs 3 et 4 ou encore à certaines zones du système de refroidissement de la centrale.
Kiev a par ailleurs assuré que les autorités russes avaient demandé au personnel civil et militaire d'évacuer le site avant mercredi, rapporte Politico. Selon les services de renseignement ukrainiens, les équipes restantes "ont reçu pour consigne d'accuser [Kiev] en cas d'incident".
La Russie accuse l'Ukraine de préparer une attaque nocturne
Cette date a également été évoquée par le camp russe. Moscou a nié préparer la moindre attaque. Bien au contraire. "Le 5 juillet, durant la nuit, en pleine obscurité, l'armée ukrainienne va essayer d'attaquer la centrale nucléaire de Zaporijjia", a déclaré mardi un conseiller de l'opérateur nucléaire russe Rosatom lors d'une interview télévisée. Selon Renat Karchaa, les forces ukrainiennes comptent faire "usage d'armes de précision à longue portée" et de drones.
"La situation est très tendue, car le risque d'un acte subversif par le régime de Kiev est très élevé. Un acte subversif qui peut avoir des conséquences catastrophiques." Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin cité par l'AFP
"Il faut prendre toutes les mesures pour lutter contre cette menace", a ajouté le porte-parole du Kremlin.
Quelques jours plus tôt, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères avait déjà affirmé que Kiev comptait mener une attaque contre la centrale et en attribuer la responsabilité à Moscou. Pour appuyer ses propos, la responsable avait cité les exercices de sécurité organisés par les autorités ukrainiennes dans l'est du pays, visant à préparer la population à un éventuel accident nucléaire, souligne Politico. Ni la Russie ni l'Ukraine n'ont toutefois fourni de preuves pour étayer leurs accusations, rappelle le Guardian.
L'AIEA a réclamé mercredi d'avoir accès à l'ensemble des bâtiments de la centrale pour "confirmer l'absence de mines ou d'explosifs sur le site". "Nos experts doivent pouvoir vérifier les faits sur le terrain", de manière "indépendante et objective", a déclaré le directeur général de l'agence onusienne, Rafael Grossi, dans un communiqué. Il est "crucial de clarifier la situation actuelle" au moment où les deux camps s'accusent mutuellement, a-t-il insisté. Pour l'heure, la présence militaire sur le site "semble inchangée", ajoute toutefois l'AIEA, qui n'a par ailleurs pas constaté récemment de bombardements à proximité de la centrale.
Source: franceinfo